Les carabistouilles de Jules César
En Belgique, lorsqu’il s’agit d’inculquer aux écoliers les premiers éléments de l’histoire nationale, c’est sur une phrase de Jules César qu’on s’appuie : « De tous les peuples de la Gaule, les Belges sont les plus braves ».
C’est au XIXe siècle que cette phrase a été utilisée pour la première fois dans un sens nationaliste : il s’agissait alors de légitimer l’indépendance de la toute jeune Belgique et d’établir le mythe fondateur du pays.
Toutefois, cette phrase, à première vue flatteuse, l’est déjà beaucoup moins si on la replace dans son contexte : « Les Belges sont les plus braves de tous, parce qu’ils se tiennent à l’écart de l’éducation et de la civilisation de la province romaine, et que les marchands, allant rarement chez eux, ne leur portent pas ce qui contribue à ramollir leur ardeur », nous rapporte César dans sa Guerre des Gaules (livre I, 1). Les Belges auxquels a été confronté Jules César n’apparaissent plus ni comme les plus forts (traduction longtemps avancée pour l’adjectif fortissimi qu’on trouve dans le texte latin des Commentarii de Bello Gallico), ni comme les plus courageux (traduction préférée actuellement pour cet adjectif polysémique), mais comme comme les plus farouches : barbares, rudes, les Belges ne se laissaient ni approcher, ni, à plus forte raison, civiliser.
En écartant la phrase de son contexte, on a occulté le fait que la Guerre des Gaules est avant tout un ouvrage de propagande destiné à donner de l’éclat aux faits de Jules César et à servir ses ambitions : présenter les Belges comme prêts à mourir plutôt qu’à déposer les armes ne pouvait que servir l’image de César, alors que la réalité était bien moins reluisante, pour lui comme pour les Belges.
Baudouin Decharneux, philosophe et historien (belge), égratigne de quelques coups de griffes bien placés aussi bien les carabistouilles de Jules César que l’orgueil des Belges : « En une campagne, deux batailles dont une fictive et un massacre, César s’était rendu maître du redoutable peuple belge qui semblait, quelques pages auparavant, menacer jusqu’à Rome… » pour conclure que « le mythe est bien pauvre et le courage des Belges assez pathétique. »
Il n’empêche que le cliché né des balivernes de Jules César a su résister au temps et qu’il est pour beaucoup de Belges, aujourd’hui encore, ce qui reste de l’histoire de la Belgique quand on en a tout oublié.
Références bibliographiques
DECHARNEUX Baudouin, « De tous les peuples de la Gaule, Les Belges sont les plus braves », Anne Morelli (dir.), Les grands mythes de l’Histoire de Belgique, Bruxelles/Charleroi, Vie Ouvrière, 1995.
HAVAUX Pierre, « Les Belges les plus braves : ce que cachent les racontars de César », Le Vif, 25/7/2014, en ligne : https://www.levif.be/belgique/les-belges-les-plus-braves-ce-que -cachent-les-racontars-de-cesar/
STENGERS Jean, Histoire du sentiment national en Belgique : Les racines de la Belgique jusqu’à la révolution de 1830, Bruxelles, Racine, 2000
Références des illustrations
Carte de la Gaule avant la guerre des Gaules selon Gustav Droysen : https://fr.wikipedia.org/wiki/Belges#/media/Fichier:Droysens_Hist_Handatlas_S16_Gallien_CAESAR.png
Le plus grand carabistouilleur du monde : https://web.facebook.com/photo.php?fbid=1020355916128380&id=100044619420835&set=a.780211873476120&_rdc=1&_rdr#
Astérix chez les Belges : https://asterix.com/es/coleccion/albumes/asterix-chez-les-belges/
Jules César : https://web.facebook.com/belgitude.be/posts/horum-omnium-fortissimi -sunt-belgaejules-césar/3481328081933160/?_rdc=1&_rdr#
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Cette page a été préparée par Annick Englebert dans le cadre d'une formation à l'intercompréhension dans les langues romanes. |
