Somnium Scipionis
Dans le VIe livre du De re publica, consacré aux obligations et aux récompenses des rectores civitatum, Cicéron exhorte ses amis, après trois jours de discussion, à écouter le récit d’un rêve vieux de vingt ans, au moment de la troisième Guerre Punique : c’est le fameux Somnium Scipionis.
Voici un extrait du Somnium tiré de la dernière partie de l’œuvre, dans laquelle on aborde le thème traditionnel de la philosophie antique du mouvement et de son origine : ce qui se déplace est par nature destiné à la fin, tout comme le principe unique de tout est immortel et ne peut pas être soumis au mouvement, autrement il recevrait son mouvement de quelque chose d’autre et ne serait pas principe unique. Donc l’âme, qui est principe de mouvement du corps, est immortelle et il est nécessaire de l’exercer dans les vertus les plus nobles, parmi lesquelles, avant tout, le soin de la patrie. Les âmes éduquées à cela, une fois séparées du corps, voleront directement au siège éternel du ciel. Au contraire, celles qui ont été défigurées par les vices dans leur vie doivent attendre plusieurs siècles de purification en tournant autour de la terre.
[26] Quae cum dixisset: “Ego vero”, inquam, “Africane, si quidem bene meritis de patria quasi limes ad caeli aditus patet, quamquam a pueritia vestigiis ingressus patris et tuis decori vestro non defui, nunc tamen tanto praemio exposito enitar multo vigilantius”. Et ille: “Tu vero enitere et sic habeto non esse te mortalem, sed corpus hoc; nec enim tu is es quem forma ista declarat, sed mens cuiusque is est quisque, non ea figura quae digito demonstrari potest. Deum te igitur scito esse, si quidem est deus qui viget, qui sentit, qui meminit, qui providet, qui tam regit et moderatur et movet id corpus cui praepositus est, quam hunc mundum ille princeps deus; et ut mundum ex quadam parte mortalem ipse deus aeternus, sic fragile corpus animus sempiternus movet”.
M. Mortarino, M. Reali et G. Turazza, Meta Viarum 2, Loescher, 2015.
Lorsqu’il eut ainsi parlé, O Scipion, lui dis-je, s’il est vrai que tes services rendus à la patrie nous ouvrent les portes du ciel, votre fils, qui depuis son enfance a marché sur vos traces et sur celles de Paul-Émile, et n’a peut-être pas manqué à ce difficile héritage de gloire, veut aujourd’hui redoubler d’efforts, à la vue de ce prix admirable. ? Courage! me dit-il, et souviens-toi que si ton corps doit périr, toi, tu n’es pas mortel; cette forme sensible, ce n’est pas toi;ce qui fait l’homme, c’est l’âme, et non cette figure que l’on peut montrer du doigt. Sache donc que tu es dieu; car c’est être dieu que d’avoir la vigueur, de sentir, de se souvenir, de prévoir, de gouverner, de régir et de mouvoir le corps qui nous est attaché, comme le Dieu suprême gouverne le monde. Semblable à ce Dieu éternel qui meut le monde, en partie corruptible, l’âme immortelle meut le corps périssable.
Cette page a été rédigée pour ROMA·NET par Matteo Serra. |