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 Hola, moi c’est Blanca. Je suis la petite Espagnole de ce site.

Je suis très fière de mon prénom Blanca. D’abord parce que ce n’est pas un prénom à la mode : quand on crie Blanca, dans la rue, je suis la seule qui se retourne ! Ensuite parce que c’est un prénom de reine – vous connaissez surement Blanca de Castilla, fille d’Aliénor d’Aquitaine et mère de saint Louis ? Enfin, parce que c’est un prénom qui n’a pas d’équivalent masculin – en tout cas, moi, je ne connais aucun garçon appelé Blanco !

Blanca, c’est un prénom exceptionnel, et pourtant en espagnol, c’est un prénom tout simple. Il se prononce exactement comme il s’écrit : Blanca se dit /blaŋka/, une lettre pour chaque son, un son pour chaque lettre. C’est ça qui est génial en espagnol.  Bon, d’accord, le n ne se prononce pas exactement /n/, mais /ŋ/, à cause du /k/ qui le suit… D’ailleurs, ce /ŋ/, dans l’espagnol parlé en Amérique, il contamine le /a/, de sorte que les Latino-Américains disent /blãka/

Eh bien, mon beau prénom espagnol tout simple, imaginez qu’il donne bien du souci dans les autres langues romanes.

Prenez le cas de l’italien. Un /bl/ en début de mot, je ne sais pas trop pourquoi, les Italiens n’aiment pas ça, alors au lieu de dire /bl/, ils disent /bj/ (ça s’appelle une palatalisation). Et c’est pour cela qu’en Italie, je deviens Bianca, autrement dit /bjaŋka/.

Les Roumains copient les Italiens : ils m’appellent eux aussi Bianca /bjanka/. Je dis qu’ils copient, parce que, pour les Roumains, Bianca est un prénom d’origine italienne, ce n’est pas un prénom roumain. Une amie roumaine m’a dit qu’en Roumanie, je pourrais m’appeler Alba, parce que l’équivalent de l’adjectif blanca en roumain, c’est alb ! Alba, c’est beau aussi comme prénom ; mais je préfère Blanca !

Les Portugais sont un peu comme les Italiens : eux non plus n’aiment pas le /bl/ au début d’un mot, mais en portugais, mon /bl/ devient un /bɾ'/. Et puis le /a/, les Portugais le prononcent d’une manière qui n’appartient qu’à eux, /ɐ/, et en plus, lorsque ce /ɐ/ est suivi d’un /n/, comme dans mon prénom, il est contaminé par ce /n/ (vous savez, comme chez les hispanophones d’Amérique) et il se prononce /ɐ̃/. De sorte que pour les Portugais, je deviens /bɾ'ɐ̃kɐ/, ou Branca si vous préférez. Tellement différent de Blanca que je me demande parfois si c’est bien de moi qu’il est question.

Là où je ne reconnais plus du tout mon prénom, c’est dans la bouche des Français… ou plutôt, je devrais dire des francophones. D’accord, je concède qu’eux au moins n’ont pas de problème avec mon /bl/. Et c’est vrai aussi que pour les francophones, un /a/ suivi d’un /n/ est contaminé (je devrais dire : nasalisé) et devient un /ɑ̃/, mais qu'ils ne sont pas très différents en cela des Portugais ou des Latino-Américains. Non, les francophones, c’est la fin de mon prénom qui leur pose problème, parce que /blɑ̃ka/, ça ne fait pas très français. Alors les francophones, oh la la, ils préfèrent naturaliser mon prénom. Oui, vous avez bien lu : naturaliser. Comme si mon prénom n’était pas naturel ! Comment ? Mon /k/, qui a réussi à se préserver dans les autres langues romanes, vous savez ce qu’ils en font ? Non ? Un /ʃ/, oui, oui, comme dans le mot chat, exactement. Et le /a/ qui est à la fin de mon prénom, qui dit clairement dans les autres langues romanes que mon prénom est féminin, et que seuls les Portugais modifient un peu, vous savez ce qu’ils en font, les francophones ? Ils le laissent tomber, ni plus ni moins. Au bout du compte, les francophones préfèrent m’appeler /blɑ̃ʃ/. Eh bien moi, je vous le dis : si vous criez /blɑ̃ʃ/ dans la rue, je ne me retournerai pas. Ah non alors !

revue roma blanc 120 Cette page a été rédigée pour ROMA·NET par Annick Englebert.
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