Carpe Diem (Horace) & Carpamus Dulcia (Perse)
Horace est un poète du Ier siècle ACN. Bien qu’il ne se soit rangé dans aucun mouvement philosophique précis, Horace défend à plusieurs reprises l’épicurisme et attaque le stoïcisme notamment dans son poème le plus connu et encore omniprésent dans notre société. Il y prône les plaisirs modérés de la vie et rejette la peur de la mort ainsi qu’une existence posthume :
Tu ne quaesieris (scire nefas) quem mihi, quem tibi
finem di dederint, Leuconoe, nec Babylonios
temptaris numeros. Vt melius quicquid erit pati!
Seu pluris hiemes seu tribuit Iuppiter ultimam,
quae nunc oppositis debilitat pumicibus mare
Tyrrhenum, sapias, uina liques et spatio breui
spem longam reseces. Dum loquimur, fugerit inuida
aetas : carpe diem, quam minimum credula postero.
(Horace, Odes I, 11)
Ne cherche pas à connaître (c’est sacrilège de le savoir) à quelle fin nous ont destinés, toi et moi, les dieux, Leuconoé, ne te fie pas aux horoscopes babyloniens. Qu’il est préférable de supporter sa destinée comme elle vient ! Que Jupiter t’accorde encore de nombreux hivers, ou que celui-ci soit ton dernier qui maintenant s’abat sur les roches de la mer Tyrrhénienne, toi vis avec sagesse, filtre ton vin et mesure tes longues espérances à la brièveté de la vie. Déjà quand nous parlons, le temps, jaloux, s’enfuit : cueille le jour et soucie toi le moins possible du lendemain.
Perse est un poète du Ier siècle PCN. Contrairement à Horace, Perse est un philosophe radicalement stoïcien et une majeure partie de son œuvre consiste à reprendre les vers des poètes précédents (souvent Horace) et à détourner leurs propos pour défendre l’école stoïcienne.
Indulge Genio ; carpamus dulcia: nostrum est
Quod uiuis : cinis, et manes, et fabula fies.
Viue memor lethi : fugit hora ; hoc, quod loquor, inde est.
(Perse, Satires V, 151-153)
Donne-toi du bon temps, va cueillons les douceurs : ta vie, elle est à nous ! Un jour tu deviendras cendre, mânes et fable, vis pensant à la mort, l’heure fuit, et déjà les mots que je prononce s’en sont allés d’ici.
Le poème prend l’apparence d’une défense épicurienne mais le sens est bien péjoratif. Comparons simplement Carpe Diem (Cueille le jour) à Carpamus dulcia (Cueillons les douceurs), les douceurs renvoie à des plaisirs instantanés, Perse détourne la modération d’Horace en une recherche effrénée de passions.
Cette page a été rédigée pour ROMA·NET par Guillaume Quintin et Paolo Oliveri. |