Aulularia (Plaute)
Peut-être le personnage plus célèbre de Plaute, Euclion est le vieillard avare qui se méfie de tout être humain sur terre. Son principal défaut, l’avarice, qui normalement le rendrait antipathique aux yeux du public, est tellement marqué qu’il en sort un personnage tout à fait comique.
Euclion a une fille qu’il accepte de marier sous condition de ne payer aucune dot ; ses biens matériels, bien sûr, sont à ses yeux naturellement plus importants que ses proches et ce n’est pas étonnant qu’il arrive à les soupçonner quand il ne trouve plus sa marmite pleine d’or.
Grand débiteur de la Comédie Nouvelle grecque et de son principal représentant, Ménandre, dont il reprend les thématiques et les jeux comiques dans une sublime aemulatio, Plaute lui-même fut une source d’inspiration majeure pour Molière : l’Arpagon qui nait de sa plume n’est qu’une ré-interprétation du notre Euclion.
Voici un extrait de l’ Acte II, Scène VIII.
Euclio : Volui animum tandem confirmare hodie meum,
ut bene me haberem filiai nuptiis.
venio ad macellum, rogito pisces: indicant
caros; agninam caram, caram bubulam,
vitulinam, cetum, porcinam: cara omnia.
atque eo fuerunt cariora, aes nōn erat. 375
abeo iratus illinc, quoniam nihil est qui emam.
ita illis impuris omnibus adii manum.
deinde egomet mecum cogitare intervias
occepi: festo die sī quid prodegeris,
profesto egere liceat, nisi peperceris. 380
postquam hanc rationem ventri cordique edidi,
accessit animus ad meam sententiam,
quam minimo sumptu filiam ut nuptum darem.
nunc tusculum emi hoc et coronas floreas:
haec imponentur in foco nostro Lari, 385
ut fortunatas faciat gnatae nuptias.
sed quid ego apertas aedis nostras conspicor?
et strepitust intus. numnam ego compilor miser?[1]
Euclion : J’ai voulu faire un effort, et me régaler pour la noce de ma fille. Je vais au marché ; je demande. Combien le poisson ? trop cher. L’agneau ? trop cher. Le bœuf ? trop cher. Veau, marée, charcuterie, tout est hors de prix. Impossible d’en approcher ; d’autant plus que je n’avais pas d’argent. La colère me prend, et je m’en vais, n’ayant pas le moyen d’acheter. Ils ont été ainsi bien attrapés, tous ces coquins-là. Et puis, dans le chemin, j’ai fait réflexion : quand on est prodigue les jours de fête, on manque du nécessaire les autres jours ; voilà ce que c’est que de ne pas épargner. C’est ainsi que la prudence a parlé à mon esprit et à mon estomac ; j’ai fait entendre raison à la sensualité, et nous ferons la noce le plus économiquement possible. J’ai acheté ce peu d’encens et ces couronnes de fleurs ; nous les offrirons au dieu Lare, dans notre foyer, pour qu’il rende le mariage fortuné. Mais que vois-je ? ma porte est ouverte ! Quel vacarme dans la maison ! Malheureux ! est-ce qu’on me vole ?[2]
[1] Plaute : Théâtre, avec notes et traduction d’Henri Clouard, Paris, Garnier, « Classiques Garnier », 1935, volume 1.
[2] J. Naudet (trad.), Théâtre complet de Plaute, tome 2, Paris, Panckoucke, 1833, en ligne sur : http://remacle.org/bloodwolf/comediens/Plaute/marmite.htm
Cette page a été rédigée pour ROMA·NET par Matteo Serra. |