L'expression de la politesse en latin

En latin classique, les formules de courtoisie ne sont pas tellement répandues : s’agissant d’une langue écrite, nous ne pouvons les rencontrer que dans le genre épistolaire, dont les représentants majeurs sont Sénèque et Cicéron.

Nous pouvons en citer deux principalement : gratias ago et quaeso vos/te.

On ne peut pas affirmer avec certitude que ces deux formules étaient les plus répandues dans le latin de tous les jours. Le latin que nous lisons et étudions aujourd’hui est une forme standardisée et normée qui ne correspond pas au latin parlé. On ne peut donc pas exclure une façon plus brève, plus rapide de remercier quelqu’un qui soit plus propre à la langue parlée.

Gratias ago

Utilisé pour remercier quelqu’un (fr. Je te remercie), gratias ago peut se retrouver comme clausule[1] dans les missives ou même comme exhortation. Son usage n’a presque rien de particulier : gratias ago, c’est tout simplement ‘je te remercie’, ou bien ‘je te suis reconnaissant’ – dans ce deuxième sens on aura gratias ago ou gratias ago tibi. Il n’y a rien en déhors du contexte qui nous indique laquelle des deux interprétations (‘remercier’ ou ‘exprimer sa reconnaissance’) est choisie par l’auteur.

Quaeso te

La tournure verbale, quaeso te, peut avoir un sens légèrement différent de ses correspondants en langues romanes fr. S’il te plait ; it. Per favore. On peut la comprendre comme signifiant ‘je te prie’ (traduction littérale), ou bien comme une vraie formule de politesse équivalant à s’il te plait

Piliae et Atticae salutem. Haec ad te mea manu. Vide, quaeso, quid agendum sit. (Cic., Ad Atticum 12.30, 2)
Mes compliments a Pilia et à Attica. Ceci est écrit de ma main. Voyez, s’il vous plait, ce qu’il convient de faire.

Ce sens plus large donne la possibilité d’un usage beaucoup plus vaste. Comme pour les autres verbes d’un sens proche (cfr. quaero), quaeso commande un ut plus subjonctif.


[1]     Dernier membre d’une phrase, d’un paragraphe.

revue roma blanc 120 Cette page a été rédigée pour ROMA·NET par Matteo Serra.

Un peu, beaucoup passionnément : l'expression de l'intensité en latin

Le latin possède divers moyens de renforcer l’intensité des adjectifs :

En latin classique, les adjectifs de la première classe en -ius, -eus, uus, utilisent un comparatif périphrastique avec les adverbes magis et plus, et un superlatif avec l’adverbe maxime.

Idoneus ⟶ magis idoneus ⟶ maxime idoneus

Ces trois adverbes sont aussi employés avec les autres adjectifs, soit pour renforcer la comparaison, soit pour marquer une opposition ou une mise en relief. Cependant, le plus ne s’établit dans cet emploi qu’à l’époque impériale.

hoc nemo fuit minus ineptus, magis severus quisquam nec magis continens  (Térence, Eun. 227)
(Vraiment personne ne fut moins sot, ni plus sérieux ni plus modéré que lui.)

muro fretus magis quam de manus vi (Ennius, Ann. 97)
(ayant plus de confiance dans le mur que dans la force de ses hommes)

disertus magis quam sapiens (Cicéron, Att. 10, 1, 4)
(avec plus d’habileté que de sagesse)

En latin classique, le comparatif peut être renforcé par des locutions adverbiales tirées de l’ablatif de mesure, comme multo, paulo, nihilo, tanto, eo … quo, aliquanto. Le superlatif est renforcé par longe, multo, vel, unus, unus omnium ou quam (potest).

Il existe aussi une quantité d’adverbes de renforcement utilisés en latin populaire et en latin vulgaire : sane, valde, vehementer, fortiter, bene, multum, etc.

locus (…) modice altior  (Egérie 10, 3)
(une petite éminence)

De même, le préfixe per–, qui renforce le sens de certains adjectifs (permagnus, perpaucis, etc.), a servi à créer par tmèse le renforcement per.

per mihi gratum est  (Cic. Att. 1, 4, 3)
(j’en suis ravi)

L’itération exprime un degré élevé. C’est une expression ancienne.

liber liber sum  (Hor. Sat. 2, 7, 92)
(je suis libre, libre !)

revue roma blanc 120 Cette page a été rédigée pour ROMA·NET par Guillaume Quintin et TImothée Coussementxx.
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