Au café

S'adresser à quelqu'un, et à plus forte raison s'adresser à quelqu'un dans un lieu public, suppose que l'on respecte certaines conventions et certaines règles de bienséance, qui ont un ancrage culturel. Nous ne traiterons ici que celles de ces conventions et règles qui sont de l'ordre du langage – la question peut aussi être abordée sous l'angle des comportements sociaux, de la gestuelle, etc.

Les formules d'adresse

Pour héler un serveur dans un café ou à la terrasse d'un café, la coutume veut que l'on se serve strictement du terme garçon, c'est-à-dire que l'on interpelle la personne par une forme abrégée de sa fonction :

Garçon, trois cafés.

L'usage du mot serveur est possible, mais témoigne selon certains d'un manque d'éducation, et est souvent interprété comme condescendant, voire méprisant :

Serveur, débarrassez cette tasse vide.

Pour héler une serveuse, l'usage veut que l'on se serve du terme mademoiselle, sans égard à l'âge ou à l'état civil de la personne en question – nous reviendrons sur cet aspect plus loin :

Mademoiselle, apportez-moi un deuxième café.

L'usage du mot serveuse est perçu de la même manière négative que celui de son équivalent masculin.
Un client peut aussi héler le serveur ou la serveuse en utilisant son prénom, s'il le connait, mais cela suppose une certaine forme de familiarité réservée à certains clients réguliers et/ou à certains établissements. Utiliser le prénom du serveur ou de la serveuse peut aussi être perçu comme la reconnaissance d'une certaine notoriété dans l'exercice de ses fonctions – dans ce cas, ce peut être le fait d'un client occasionnel.

Marcel, et ce café ? je l'attends toujours !

Pour s'adresser à son client, le serveur ou la serveuse utilisent :

  • monsieur lorsqu'ils s'adressent à une personne de sexe masculin, sans égard à l'âge de cette personne ; toutefois, pour un enfant, la formule à utiliser préférentiellement est jeune homme :

Monsieur, vous désirez ?
Jeune homme, qu'est-ce que je vous sers ?

  • madame lorsqu'ils s'adressent à une femme adulte, mademoiselle lorsqu'ils s'adressent à une enfant, voire dans ce cas jeune dame pour faire pendant à jeune homme :

Madame, vous prendrez ?
Mademoiselle, pour vous ce sera ?

Mademoiselle peut également être utilisé de manière contrastive pour s'adresser à une femme, sans égard à son âge, lorsqu'elle est le seul élément féminin parmi un groupe d'hommes.
Il a longtemps été d'usage de réserver madame aux femmes mariées, puis aux femmes de plus de 25 ans, et d'utiliser mademoiselle pour les autres cas de figure, mais cette répartition entre les emplois de madame et mademoiselle n'a plus cours aujourd'hui. Dans un café comme dans les autres lieux établissement de commerce, l'emploi contrasté de ces deux désignations repose désormais davantage sur la hiérarchie sociale : madame est la patronne, mademoiselle est l'employée ; madame est la mère, mademoiselle est la fille.

Vouvoiement

Pour s'adresser à quelqu'un qui ne fait pas partie de la sphère privée – famille ou amis – en français, on recourt à ce qu'on appelle la forme polie, c'est-à-dire au pronom vous et aux formes, verbales ou adjectivales, associées à la deuxième personne du pluriel :

Garçon, apportez-moi un cappuccino.
Mademoiselle, servez-moi un café frappé.

Mais ces formes du pluriel renvoient à un singulier, aussi les adjectifs et participes qui s'y rapportent sont-ils accordés au singulier, au féminin si on s'adresse à une femme et au masculin si on s'adresse à un homme :

Garçon, bon sang ce que vous êtes maladroit !
Mademoiselle, vous êtes vraiment lente !

L'usage du tutoiement n'est pas exclu entre un client et un serveur, mais il suppose une certaine familiarité – le client et le serveur sont apparentés, sont des amis ; le client est un habitué… :

Marcel, tu m'apportes un lait russe, comme d'habitude ?
Julie, tu veux un sucre ou deux avec ton café ?

Dans certains établissements de quartiers populaires ou dont le tenancier ou la tenancière a le culte du pittoresque, le tutoiement peut aussi être adopté par le patron ou la patronne envers des clients de passage ; dans ce cas, il n'est pas rare que le tutoiement s'accompagne de formules affectives :

Mon chou, qu'est-ce que je te sers ?
Et pour toi, mon lapin, qu'est-ce que ce sera ?
Hé, mon petit chat, n'oublie pas de me le payer, ton café !

L'échange entre le client et le serveur

Pour passer sa commande, un client a en français le choix entre un large éventail de constructions, dont l'examen relève plus du lexique que de la grammaire :

Je voudrais un café.
Je prendrais un cappuccino.
Pour moi, ce sera un latte.
Apportez-moi un expresso.

Pour prendre une commande, le serveur ou la serveuse dispose également d'un large éventail de constructions :

Qu'est-ce que je vous sers ?
Qu'est-ce que vous buvez ?
Qu'est-ce que vous prendrez ?
Qu'est-ce que ce sera ?

Il était d'usage d'utiliser également dans ce contexte le verbe offrir :

Qu'est-ce que je vous offre ?
Puis-je vous offrir une boisson ?

Mais cette formule, qui visait au départ à indiquer qu'on offrait un service, prête souvent à confusion, le client comprenant (à son avantage) qu'on lui propose gratuitement une boisson ; l'usage désuet de ce verbe ne se perpétue plus que dans certains établissements « stylés » ou localement dans certains pays d'Afrique francophone… ou alors dans les circonstances où la boisson est sans ambiguïté offerte au client (annonce d'une tournée générale, dédommagement…).
Pour payer ses consommations, l'éventail d'expressions dont dispose le client est moins large ; la formulation la plus courante est simplement :

L'addition !

Mais qu'il s'agisse de passer sa commande ou de demander de payer ses consommations, l'interpellation du serveur ou de la serveuse par le client s'accompagne d'interjections :

Hep !
Psst !

et/ou d'une gestuelle, dont l'étude relève plus du domaine culturel que du domaine proprement linguistique : en France ou en Belgique, attirer l'attention de quelqu'un en claquant des doigts est considéré comme trahissant un manque d'éducation, alors qu'en Afrique, c'est la manière la plus courante et la plus neutre de le faire. Pour un client, demander l'addition en dessinant en l'air le tracé d'un ticket de caisse est considéré comme mieux éduqué que de frotter le pouce contre l'index, même si le message est identique ; pour un serveur, réclamer au client le paiement d'une consommation en frottant le pouce contre l'index peut être très mal interprété dans certains contextes, admis dans d'autres.

S'il vous plait

S'il vous plait est une formule de politesse qui sera utilisée dans un café aussi bien par le client que par le serveur.
On l'associe

  • à une injonction pour lui conférer un côté moins abrupt :

L'addition, s'il vous plait.
S'il vous plait, apportez-moi du lait.
Parlez moins fort, s'il vous plait, votre conversation dérange la table voisine.
Pouvez-vous m'apporter une serviette, s'il vous plait ?

  • à la réponse à une question pour marquer un acquiescement poli :

– Désirez-vous du sucre ? – Oui, s'il vous plait.

On l'utilise occasionnellement pour souligner un élément, pour marquer qu'on apprécie un geste ou une situation :

Et on sert le café avec des gants blancs s'il vous plait !
= ‘Quelle classe !'

En Belgique et dans le Nord de la France, s'il vous plait est aussi utilisé pour accompagner le geste de tendre quelque chose à quelqu'un – en ce sens il concurrence voici, tiens/tenez :

– S'il vous plait.
→ ‘voici votre café'

Dans ces mêmes variétés régionales, prononcé avec une intonation montante, s'il vous plait constitue une invitation polie à répéter une chose qui vient d'être dite – il concurrence dans ce cas pardon ou plait-il ? :

– Pour moi ce sera un café viennois. – S'il vous plait ?
= ‘pouvez-vous répéter ?'

revue roma blanc 120 Cette page a été rédigée pour ROMA·NET par Annick Englebert.
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