L'expression de la politesse en français

Dans les cultures occidentales, la politesse passe notamment par l’usage d’expressions comme bonjour, excusez-moi, pardon

S’il vous plait !

S’il te plait  – quand on s’adresse à une personne qu’on tutoie habituellement ou s’il vous plait – dans tous les autres cas – est une formule de politesse que l’on associe à une injonction ou une interrogation pour leur conférer un côté moins abrupt :

Ferme la porte, s’il te plait : tout le monde va découvrir mon déguisement.
Pouvez-vous m’indiquer où a lieu le bal masqué, s’il vous plait ?

et qui peut être cumulée à d’autres procédés en vue du même effet :

Tu veux bien m’aider à ajuster mon masque, s’il te plait ?
Ici, trois procédés différents sont mis en œuvre pour donner une forme polie à la formulation simplement injonctive qui serait « Aide-moi à ajuster mon masque » : la formule de politesse, la forme interrogative et la formule Tu veux bien.

Cette formule est également utilisée dans la réponse que l’on donne à une question globale pour marquer un acquiescement poli :

– Veux-tu que je t’aide à enfiler tes bottes de sept lieues ? – Oui, s’il te plait.

On utilise occasionnellement la formule s’il vous plait en dehors des contextes régis par les règles de politesse, comme formule admirative, pour souligner un élément, le mettre en relief :

Quelle splendide costume, et cousu main s’il vous plait !
Et tous les accessoires sont assortis au costume, jusqu’au moindre détail s’il vous plait !

Dans ce cas, c’est la forme s’il vous plait qui prévaut, même si on s’adresse à une personne qu’on tutoie ordinairement : il s’agit en quelque sorte de prendre la terre entière à témoin de son admiration.

En Belgique et dans le Nord de la France, les formules s’il te plait ou s’il vous plait sont également utilisées pour accompagner le geste de tendre quelque chose à quelqu’un – en ce sens elles concurrencent voici, tiens/tenez :

– Passe-moi mon éventail, veux-tu ? – S’il te plait.
→ S’il te plait ≈ ‘tiens, prends’

– Est-ce que tu aurais vu mon masque ? – S’il te plait.
→ S’il te plait ≈ ‘tiens, le voici’

Dans ces mêmes variétés régionales, s’il te plait ou s’il vous plait prononcés avec une intonation montante, constituent une invitation polie à répéter une chose qui vient d’être dite et que l’on veut se faire confirmer, c’est-à-dire au sens de pardon ou plait-il :

– Je compte me déguiser en Bécassine pour le carnaval. – S’il te plait ?
→ soit ‘tu veux bien répéter, j’ai mal entendu’, soit ‘j’ai bien entendu mais je n’en crois pas mes oreilles’

Merci  !

Le mot merci sert à l’expression des remerciements dans n’importe quelle circonstance :

– Amusez-vous bien. – Merci.

Il est alors éventuellement accompagné d’un adverbe ou d’une expression marquant l’intensité :

– Ton déguisement est vraiment très réussi. – Merci beaucoup.

Il est également utilisé pour accompagner une réponse oui ou non à une proposition d’aide – oui merci ou non merci deviennent alors une forme polie de oui et non :

– Veux-tu que je t’aide à boutonner ton costume ?  – Oui merci.
– Veux-tu que j’ajoute encore quelques plumes à ton chapeau ? – Non merci.

Merci se substitue parfois à oui ou à non, dans un contexte où la réponse est présumée connue de celui qui l’a posée ou présumée évidente pour celui à qui elle a été posée :

– Veux-tu que je t’aide à enfiler ton déguisement ? – Merci.

En cas de doute sur la manière d’interpréter ce type d’emploi de merci, on lèvera l’ambigüité par le questionnement :

– Veux-tu que je t’aide à enfiler ton déguisement ? – Merci. – Merci oui ou merci non ? – Merci oui.

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L'expression de l'injonction en français

L'injonction est une modalité de l'énonciation qui vise à faire agir ou réagir quelqu'un. Ce qu'on appelle plus communément l'ordre (que l'on donne), la commande (que l'on passe) relève de cette modalité injonctive.

1. Manifestations de la modalité injonctive

Commençons par examiner les différentes manifestations de l'injonction, c'est-à-dire les différents procédés dont on dispose pour l'exprimer.
Le mode impératif est la première manifestation de l'injonction qui vienne à l'esprit :

Garçon, apportez-moi l'addition, je paierai par carte.
Faites attention, vous allez renverser ce verre sur ma robe.

Mais, même si on reste dans le domaine du système verbal, ce qu'on appelle l'impératif n'a pas l'exclusivité. Peuvent également exprimer l'injonction :

  • un verbe à l'indicatif futur (forme simple ou forme périphrastique du futur) :

Garçon, apportez-moi l'addition, je paierai par carte.
Garçon, apportez-moi l'addition, je vais payer par carte.
Faites attention, vous allez renverser ce verre sur ma robe.
Faites attention ou vous renverserez ce verre sur ma robe.

Notez la manipulation que doit subir le dernier exemple par rapport à celui qui précède, donné pour le futur périphrastique.

  • un verbe au subjonctif :

Que mon café soit servi sans lait et sans sucre !
Que le dernier ferme la porte.
Que ce garçon se dépêche un peu.

Notez la forme indifférenciée de l'indicatif que prend le subjonctif dans les deux derniers exemples ; c'est le mot que qui dénonce la forme comme étant celle du subjonctif.

  • un verbe à l'infinitif :

Fermer la porte.
Ne pas déposer de sac sur les tablettes de fenêtre.

  • une périphrase incluant un adjectif de sens injonctif :

En vertu de l'arrêté de loi de 2000, il est strictement interdit de servir des boissons alcoolisées aux mineurs d'âge.

  • le nom :

Garçon !
Pour appeler le serveur = 'venez !'
Deux cafés et l'addition.
= 'servez-moi deux cafés' et 'apportez-moi l'addition'.
Toilettes.
Affichette sur une porte = 'vous pouvez pousser cette porte'[1]
Accès réservé au personnel
Affichette sur une autre porte = 'vous ne pouvez pas pousser cette porte'

  • l'adjectif :

Réservé.
Affichette déposée sur un table = 'choisissez une autre table'
Occupé.
Remarque du monsieur désagréable plongé dans son journal = 'ne déposez pas votre sac sur cette chaise, mon voisin va revenir'

  • une phrase assertive :

L'alcool est mauvais pour la santé.
= 'n'en buvez pas'
Une bière brassée avec savoir se consomme avec modération.
= 'n'en abusez pas'
Mon bus démarre dans 10 minutes.
= 'dépêchez-vous donc de me servir !'

  • une phrase interrogative :

Et pour la demoiselle, ce sera… ?
= 'décidez-vous à passer votre commande (j'ai d'autres clients à satisfaire)'
Vous servez des cappuccinos ?
= 'servez-m'en un'

  • le non-verbal.

2. Contraintes

Examinons maintenant les différentes contraintes qui pèsent sur la modalité injonctive et essayons de les comprendre.

On peut envisager les choses sous deux angles :

  1. la ou les personne(s) que l'on veut faire agir ou réagir, c'est-à-dire le(s) destinataire(s) du message injonctif ;
  2. l'action (ou la réaction) en elle-même de cette ou ces personnes.

2.1. Contraintes sur la personne

D'une manière générale, en grammaire, on fait la distinction entre trois personnes :

  1. la personne qui parle, ou locuteur, appelée « 1re personne » ;
  2. la personne à qui l'on parle, ou interlocuteur, appelée « 2e personne » ;
  3. la personne de qui l'on parle, appelée « 3e personne » ou « personne absente », par opposition aux deux précédentes qui sont des personnes présentes.

L'injonction présente, de manière attendue, les plus grandes affinités avec la 2e personne :

Passe-moi mon porte-monnaie.
Apportez-moi mon thé avec une rondelle de citron.

Du fait qu'un locuteur est considéré comme peu susceptible de se formuler une injonction à lui-même, l'injonction est d'un usage assez limité à la 1re personne. Elle n'est toutefois pas exclue. Comparez

Agathe, paie les jus ; je paie les boissons chaudes ; toi, Jules, supplée le pourboire.

Pour se donner un ordre à lui-même/elle-même, je utilise le présent, mais ce présent n'est interprétable comme injonctif que parce qu'il est dans un cotexte[2] qui permet cette interprétation (deux verbes à l'impératif).
Sur ce plan, les formules d'encouragement, qui relèvent elles aussi de la modalité injonctive, sont intéressantes à observer, puisqu'un locuteur peut s'encourager lui-même à la 1re personne :

J'y vais !

ou en associant la 1re à la 2e personne :

Allez, j'y vais !
Allons, j'y vais !

L'injonction est d'un usage assez limité à la 3e personne, personne absente qu'on est de ce fait peu susceptible de faire agir ou réagir. Elle n'est toutefois pas davantage exclue à la 3e qu'à la 1re personne. Comparez :

Agathe, paie les jus ; je paie les boissons chaudes ; toi, Jules, supplée le pourboire.
et
Agathe, paie les jus ; je paie les boissons chaudes ; Jules suppléera le pourboire.

Par cet exemple on suppose que Jules est momentanément absent… ou qu'il est présent mais qu'on ne lui demande pas son avis (par exemple parce que c'est toujours Jules qui supplée le pourboire dans cette circonstance ou parce qu'il n'est pas dans les habitudes Jules de contester, etc.).
Mais on peut à l'égard d'une personne absente formuler des souhaits, qui relèvent comme les encouragements, de l'injonction (cf. L'expression du souhait en français) :

Qu'il aille au diable avec ses cacahuètes !
Il va vous apporter un autre verre dans quelques secondes.

Comprendre 'je souhaite que le garçon vous apporte un autre verre, mais je dois encore le lui demander'. De tels exemples sont plus probants complétés par des expressions comme Vous allez voir…, Je vous parie que…
Cette restriction sur les personnes lorsqu'on veut formuler une injonction explique le caractère défectif du « mode impératif », qui n'est jamais qu'un emploi spécialisé des formes de la 2e personne de l'indicatif présent (voire du subjonctif, pour certains auxiliaires), mais est exclu aux autres personnes :

Va !
Allez !

La 1re personne du pluriel ne fait pas figure d'exception puisqu'elle peut englober une 2e personne (nous = toi + moi) et donc être traitée comme un avatar de 2e personne – d'où sa compatibilité avec l'injonction, et avec l'impératif :

Allons !
= « allez » + « je vais »

2.2. Contraintes sur l'action

L'expression de l'injonction connait donc des restrictions sur la personne grammaticale. Elle connait également des restrictions liées au sémantisme du verbe.
Tous les verbes ne sont en effet pas également susceptibles de s'accommoder de la modalité injonctive.
Les verbes d'aspect dynamique (verbes dits « d'action » dans la grammaire scolaire) sont les plus susceptibles d'emplois injonctifs :

Allez me chercher un verre propre.
Sortez immédiatement.
Apportez-moi un jus de pomme chaud.

En revanche, dans un autre ordre d'idée, les verbes qui expriment un procès dont la réalisation ne dépend pas de la volonté de celui qu'on veut faire agir se prêtent beaucoup moins à l'expression de l'injonction ou nécessitent une contextualisation spécifique. Voyez ce qui se passe avec le verbe trouver ; comparez les exemples suivants :

Trouvez-moi une serviette propre.
Cet exemple est acceptable si on donne au verbe trouver le sens de 'aller chercher'. Notez l'emploi du pronom moi, bénéficiaire de l'action.
Ah, vous n'avez plus de serviette propre, eh bien : trouvez-en une !
Le cotexte (comme le contexte) nous indique que le verbe trouver prend le sens de 'chercher encore' ou 'chercher mieux'.
Garçon, trouvez une serviette !
Le cotexte (comme le contexte) nous indique que le verbe trouver prend le sens de 'apporter' ; pour être acceptable, un tel exemple nécessite une contextualisation particulière, comme une situation d'urgence ('trouvez une serviette, faites quelque chose, je sens que je vais me trouver mal !')

Les verbes d'aspect statique sont compatibles avec la modalité injonctive, pourvu que la réalisation du procès ne dépende pas de la volonté de celui qu'on veut faire agir :

Comprenez-moi bien : je veux un chocolat chaud, sans sucre ajouté.

On ne peut pas en principe enjoindre à quelqu'un de comprendre (il faut qu'il en ait les capacités), mais on peut le lui souhaiter ou l'aider à le faire. L'impératif marque ici l'expression d'un souhait ('j'espère me faire comprendre'), d'où la reformulation qui suit.
Sur ce point, comparez encore ces deux exemples :

Écoute ce client qui râle tout le temps.
? Entends ce client qui râle tout le temps.

L'écoute suppose une participation active, alors que l'entente suppose que soient réunies des conditions qui ne dépendent pas de la personne que l'on veut faire agir (obtenir le silence, faire abstraction du bruit).
Pour les mêmes raisons, les phrases à la voix passive s'accommodent moins bien de la modalité injonctive que les phrases à la voix active, surtout lorsque le complément d'agent est exprimé (il y a alors conflit entre le complément d'agent et la modalité qui vise à faire agir le destinataire du message). Comparez :

Servez la table d'à côté avant la mienne.
? Soyez servis avant moi.
? Soyez servis par le garçon avant moi.

 


[1]    Conformément aux conventions en usage dans les travaux de linguistique, les traductions et les périphrases sont données ici entre guillemets simples.

[2]    Dans les travaux linguistiques, le mot cotexte renvoie au contexte linguistique ; le mot contexte au contexte extralinguistique.

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L'expression du souhait en français

Dans un établissement public, pour des raisons de bienséance mais aussi pour des raisons culturelles, on préférera exprimer des souhaits, qui sont des formes « édulcorées » de l'injonction : ils visent à faire agir ou réagir… en y mettant les formes.

L'expression des désidératas et autres souhaits passe le plus souvent par des formes verbales en –rais – les « conditionnels » de la grammaire scolaire, qui sont en réalité des futurs du passé, c'est-à-dire des formes verbales qui laissent le champ ouvert à tous les possibles, raison pour laquelle ils se prêtent particulièrement bien à l'expression du souhait. N'inscrivant pas l'action dans le temps, ils invitent à agir sans fixer d'échéance et sans que le destinataire du message se sente acculé à agir. Comparez sur ce point :

Je voudrais un café glacé.
Je boirais un café crème.

et

Servez-moi un Irish coffee.
Je veux un décaféiné.

Dans cet emploi, les formes en –rais peuvent s'accompagner de l'adverbe bien :

Je voudrais bien un latté.
Je prendrais bien un lait russe.
Je boirais bien un touba.

Les autres formes du futur peuvent également servir l'expression du souhait, mais dans des circonstances plus contextualisées :

Pour moi, ce sera un expresso.
Je vais prendre un café viennois.

Le souhait connaissait des blocages moindres que l'injonction pure et simple face aux différentes personnes grammaticales (reportez-vous à notre fiche sur l'injonction), notamment en ce qu'il peut se dire d'une personne absente. Il est de même compatible avec la personne qui parle :

Je voudrais un café turc.
Je prendrais bien un moccaccino.

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Un peu, beaucoup, passionnément : l'expression de l'intensité en français

Les constructions superlatives permettent d'exprimer un haut degré d'intensité de l'adjectif. D'autres procédés peuvent utilisés aux mêmes fins : le degré d'intensité élevé de l'adjectif s'exprime également en modalisant l'adjectif au moyen des adverbes très, tout, fort, bien, tout à fait et de nombreux adverbes en –ment :

Une histoire très longue
Un chagrin d'amour fort court
Une idée absolument géniale
Une fille extrêmement timide

ou des préfixes archi–, extra–, super–, hyper–, ultra–  :

Une femme archisuperficielle
Une superbonne nouvelle

ou encore du suffixe –issime, emprunté à l'italien :

Un homme richissime
Une sublimissime robe de mariée

Le haut degré d'intensité est caractéristique du langage affectif et constitue un des principaux ressorts de l'hyperbole, une figure de style qui vise à exagérer une idée pour la mettre en relief et que l'on retrouve dans des expressions comme :

Il y a des kilomètres de broderies sur la robe d'Iseult.
Tristan est mort de faim.
Iseult verse des torrents de larmes.
Tristan a mille choses à dire à Iseult.
Iseult a des tonnes de vêtements à ranger dans son coffre.

Cette affectivité se manifeste notamment dans le fait que de nombreux adverbes en ­–ment qui expriment le haut degré d'intensité sont forgés à partir d'adjectif qui expriment des idées extrêmes :

Iseult est délicieusement belle.
Tristan en est extrêmement amoureux.

et dont certains basculent du sens négatif au sens positif :

Iseult est désespérément belle.
Tristan en est épouvantablement amoureux.

De la même manière, beaucoup des adverbes en –ment marquant le haut degré d'intensité ne sont pas formés de manière canonique – ils ne sont en effet pas dérivés d'adjectifs :

Tristan est diablement épris d'Iseult.
L'ami de Tristan est vachement gonflé de courtiser Aliénor.
La déclaration d'amour de Tristan à Iseult est bigrement osée.

Lorsqu'il s'agit de marquer une intensité dépassant la norme, on utilise les adverbes trop ou excessivement :

Iseult est trop calme, cela cache quelque chose.
Tristan chevauche excessivement vite, il va se rompre le cou.

L'intensité faible s'exprime au moyen de l'adverbe peu et d'adverbes en –ment :

Le cheval de Tristan est un peu fébrile.
Le cheval de Tristan est légèrement fébrile.

L'intensité moyenne s'exprime au moyen des adverbe assez, moyennement, quasi (ou quasiment), presque, plutôt :

Le mariage de Tristan et Iseult est assez réussi.
Le mariage de Tristan et Iseult est plutôt réussi.

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