L'expression de l'hypothèse en français

La langue française use pour formuler l’hypothèses de moyens morphologiques (privilégiant certains tiroirs de la conjugaison), syntaxiques (privilégiant certaines constructions de phrases) et lexicaux (privilégiant l’emploi de certains mots ou expressions).

1. Moyens d’expression morphologiques

Les formes verbales du futur sont les plus aptes à formuler des hypothèses :

Tu prendras ton parapluie, on annonce de violentes averses.

Parmi les tiroirs du verbe français, celui que l’on appelle communément « conditionnel », mais qu’on appellerait plus justement « futur du passé », est le plus apte à formuler l’hypothèse, en ce qu’il permet de balayer par l’imagination une période qui va du passé au futur et d’explorer ainsi tous les possibles :

J’irais bien me dégourdir les jambes dans le parc voisin, mais encore faudrait-il qu’il cesse de pleuvoir.
Je ferais bien de mettre un pull, Monsieur Météo a annoncé une vague de froid.

Le caractère hypothétique des formes verbales du futur se trouve renforcé lorsqu’elles sont associées à la formulation d’une question :

Iras-tu au marché avec cette pluie ?
Tu sortirais par ce temps sans te munir d’un parapluie, toi ?

ou à un auxiliaire modal comme vouloir ou pouvoir :

Je voudrais bien voir un rayon de soleil percer à travers tous ces nuages.
Les nuages pourraient se dissiper dans le courant de l’après-midi, a annoncé Mademoiselle Météo !

2. Moyens d’expression syntaxiques

Sur le plan de la construction des phrases, l’expression de l’hypothèse recourt de manière privilégiée aux subordonnées introduites par si :

Si tu ne mets pas ton écharpe, tu vas prendre froid.
Si tu t’enfonçais mieux la casquette sur la tête, elle ne serait pas balayée par le moindre coup de vent.

Une particularité du français est que, bien que le futur soit le tiroir privilégié de l’expression de l’hypothèse, le verbe de la subordonnée hypothétique introduite par si ne se met jamais au futur : les formes, simples ou composés, du présent ou de l’imparfait sont requises :

Si l’orage éclate, tu devras renoncer à tes projets de balade dans la campagne.
Si la météo était plus clémente, je pourrais envisager de faire griller des saucisses dans le jardin.
S’il pleuvra moins… ~ S’il pleuvrait moins…

Une alternative à la subordonnée en si + présent ou imparfait est la subordonnée en que + subjonctif. Dans ce cas, la subordonnée est généralement en tête de phrase et la principale qui la suit est articulée au moyen de et :

Qu’il pleuve encore durant un quart d’heure et mes bégonias seront totalement noyés.
→ ‘s’il pleut encore durant un quart d’heure…’
Que le vent dissipe les derniers nuages et je pourrai enfin admirer les étoiles.
→ ‘si le vent dissipe…’

Dans le langage formel, lorsqu’il s’agit plus spécifiquement de formuler une supposition, la subordonnée hypothétique peut également prendre la forme d’une construction pseudo-interrogative, c’est-à-dire d’une phrase sans subordonnant, dont le verbe est au subjonctif imparfait ou plus-que-parfait :

Dût-elle ne durer que quelques minutes, cette éclaircie ferait un bien fou à mon moral.
→ ‘(même) si elle ne devait durer que quelques minutes…’ 
Eût-elle pris un parapluie, elle n’aurait pas pu l’ouvrir, tant les éléments sont déchainés aujourd’hui.
→ ‘(même) si elle avait pris un parapluie…’

L’expression de l’hypothèse peut enfin se passer de tout marqueur visible – ce sont alors le contexte ou la situation de communication qui déterminent l’interprétation hypothétique. 

L’orage arrive sur nous plus tôt que prévu, qu’est-ce qu’on fait ? on maintient la promenade ?
→ ‘en admettant que l’orage arrive sur nous plus tôt que prévu…’
Je n’ai plus de crème solaire, qu’est-ce que je fais ?
→ ‘en supposant que je n’aie plus de crème solaire’

Cette construction particulière est principalement utilisée par le langage informel dans le contexte d’une prise de décision.

3. Moyens d’expression lexicaux

L’hypothèse peut enfin recourir à des mots ou expressions véhiculant explicitement des informations de l’ordre de la condition ou de la supposition, qu’il s’agisse de subordonnants :

J’ai pris de la crèmesolaire dans le cas où le soleil ferait son apparition.
À supposer que les prévisions météos soient fiables, on devrait pouvoir profiter pleinement du jardin ce dimanche.
À condition que de bien se couvrir, on peut envisager une promenade dans la forêt ce matin.

ou d’expressions à caractère adverbial :

Mets ta casquette, autrement tu risques d’avoir une insolation.
= ‘si tu agis autrement’ → ‘si tu ne mets pas ta casquette’
On pourrait bien avoir un week-end sans pluie pour une fois, sait-on jamais.
→ ‘si on envisage toutes les possibilités’

revue roma blanc 120 Cette page a été rédigée pour ROMA·NET par Annick Englebert.
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