L'expression de l'aspect en français

Pour exprimer l’aspect, le français met en œuvre les différents moyens linguistiques cités ci-dessus

1. L'aspect grammatical

L’aspect grammatical se traduit en français à travers les marques de conjugaison. C’est ainsi par la notion d’aspect que se différencie les trois passés de la conjugaison française :

  • le passé simple :

Le camion s’engagea sur le pont et prit de la vitesse.
→ L’action est totalement coupée du présent

  • le passé composé, combinant un auxiliaire au présent à un participe passé, exprime un passé en contact avec le présent :

Le camion s’est engagé sur le pont et a pris de la vitesse.
→ L’action est en contact avec le présent.

  • l’imparfait  :

Deux minutes plus tard, le camion s’engageait sur le pont et prenait de la vitesse.
→ L’action est contemporaine d’un repère passé[1]

Les formes verbales simples, composées et surcomposées de la conjugaison française véhiculent également l’aspect. Par exemple :

  • la forme simple du présent (c’est-à-dire ce qu’on appelle couramment le présent de l’indicatif) exprime un fait en train de s’accomplir :

Le camion s’engage sur le pont et prend de la vitesse.

  • la forme composée du présent (c’est-à-dire ce qu’on appelle couramment le passé composé) exprime un fait accompli :

Le camion s’est engagé sur le pont et a pris de la vitesse.

Différents auxiliaires peuvent se combiner au verbe – surtout à la forme de l’infinitif – pour former des périphrases qui explicitent l’aspect :

Le camion commence par s’engager sur le pont, puis il prend de la vitesse.
→ L’action est la première d’une série.

Le camion est en train de s’engager sur le pont.
→ L’action est présentée dans son déroulement.

Le camion continue de s’engager sur le pont.
→ L’action est présentée dans sa durée.

Le camion vient de s’engager sur le pont.
→ L’action est dans sa première phase de déroulement.

La panoplie des auxiliaires aspectuels du français est très riche. Voici quelques-uns des plus fréquents :

commencer à, continuer à, être occupé à, persévérer à, persister à, rester à, s’attarder à, se mettre à, se prendre à, se risquer à, achever de, avoir vite fait de, arrêter de, cesser de, continuer de, finir de, s’interrompre de, se dépêcher de, terminer de…

Le recours à des affixes aspectuels – préfixes, infixes, suffixes – est en revanche assez peu prisé de la langue française  :

Le moteur commence à faire un bruit inquiétant. >< Le moteur recommence à faire un bruit inquiétant.
recommencer exprime une nouvelle occurrence de commencer

La voiture percutée tourne sur elle-même. >< La voiture percutée tournoie sur elle-même.
tournoyer exprime une manière continue et répétée de tourner

2. L’aspect lexical

On parle d’aspect statique pour les verbes qui ne posent aucun changement, aucune évolution, dans le procès (→ fiche procès) qu’ils expriment :

Les automobilistes ne savent pas que la route est barrée.

par opposition à l’aspect dynamique, qui pose ce changement ou cette évolution :

Des cyclistes dépassent la voiture en panne.

À chacune de ces deux nuances aspectuelles correspond une grande classe de verbes :

  • Les verbes qui expriment l’aspect dynamique sont appelés verbes d’action

marcher, sortir, déplacer, monter…

  • Les verbes qui expriment l’aspect statique sont appelés verbes d’état

avoir, être, aimer, sembler, paraitre, croire, connaitre…

Cette distinction aspectuelle peut conditionner l’emploi de compléments adverbiaux de temps :

? Les automobilistes ne savent pas l’un après l’autre que la route est barrée.

Des cyclistes dépassent l’un après l’autre la voiture en panne.

Elle peut aussi conditionner l’emploi des auxiliaires aspectuels :

? Les automobilistes ne cessent pas de savoir que la route est barrée.

Des cyclistes ne cessent pas de dépasser la voiture en panne.


[1]L’imparfait est ainsi parfois appelé présent du passé.

revue roma blanc 120 Cette page a été rédigée pour ROMA·NET par Annick Englebert.
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