La variation géographique de l'italien

1. L'Italie et ses langues

L'Italie se compose de 20 régions : La Valle d'Aosta (le Val d'Aoste), il Piemonte (le Piémont), la Lombardia (la Lombardie), il Veneto (la Vénétie), il Trentino-Alto Adige (le Trentin-Haut- Adige), il Friuli-Venezia Giulia (le Frioul), l'Emilia-Romagna (l'Emilie-Romagne), la Liguria (la Ligurie), la Toscana (la Toscane), il Lazio (le Latium), le Marche (les Marches), l'Abruzzo (les Abruzes), l'Umbria (l'Ombrie), il Molise (le Molise), la Basilicata (la Basilicate), la Campania (la Campanie), la Puglia (les Pouilles), la Calabria (la Calabre), la Sicilia (la Sicile), la Sardegna (la Sardègne). [1]
En Italie, la langue nationale est l'italien. Les Italiens apprennent à l'école l'italien standard (l'italien qui est décrit par les grammaires), une langue qu'ils parlent et qu'ils écrivent. Aujourd'hui, nous pouvons affirmer que 98% de la population parlent l'italien. Mais alors, quelle langue parlait-on en Italie auparavant ? Ou mieux, quelles langues ? En effet, pendant longtemps, les Italiens parlaient des langues qui étaient l'héritage du mélange du latin vulgaire des Romains et des langues des peuples qui occupaient les territoires que les Romains avaient conquis.

  [2]

2. Les dialectes

Ces langues, on les appelle les « dialectes », du grec diàlektos (conversation) à travers le latin dialectus. En Grèce, ce mot désignait les différents parlers qui étaient spécialisés chacun dans un genre littéraire différent. Au XVIe siècle, ce mot commença à circuler en Italie pour définir la situation italienne qui était semblable à celle de la Grèce, c'est-à-dire un pays morcelé d'un point de vue politique et linguistique. Ce n'est qu'au XVIIIe siècle qu'on utilise le mot avec la même signification qu'aujourd'hui, celle de langue parlée dans une zone limitée. Les dialectes, nés du latin, ont donc la même origine que l'italien, qu'on pourrait définir le dialecte de la Toscane, qui a eu plus de chance que les autres parce qu'il a été utilisé comme langue littéraire par des écrivains du XIVe siècle et a servi d'exemple pour les autres écrivains provenant d'autres endroits d'Italie. Pendant des siècles, pour la plupart des habitants de la Péninsule, le dialecte a été la langue maternelle et l'italien, la langue qu'ils apprenaient à l'école et qu'ils utilisaient dans des situations formelles, par exemple dans les bureaux. Ceux qui n'avaient pas la chance d'aller à l'école parlaient l' « italien populaire », une langue qui était un mélange de dialecte, de mots dialectaux italianisés et d'italien standard. On peut dire que les Italiens ont toujours été bilingues et une partie d'eux l'est encore.
Même si on peut regrouper les dialectes par zones – dialectes du nord, du centre, du sud et de l'extrême sud de la Péninsule – il arrive que, d'une ville à l'autre de la même région, ou encore entre un côté et l'autre côté du même village, certains mots soient différents.
Les dialectes sont très différents entre eux. Par exemple, pour un Milanais, il est très difficile de comprendre le dialecte de Naples et vice-versa. Aujourd'hui, les dialectes sont encore utilisés mais presque uniquement en famille ou avec les amis, et cela dépend des endroits. Par exemple à Venise et dans la Vénétie, le dialecte est beaucoup plus pratiqué qu'à Bologne, en Émilie-Romagne.
Des mots provenant des dialectes se sont répandus dans la langue italienne, comme mozzarella (de Naples), cannolo (de la Sicile), panettone (de Milan).

3. L'italien régional

Les dialectes et l'italien ont toujours vécu côte à côte et ils se sont influencés les uns les autres. Des mots du dialecte sont entrés dans la langue italienne et, vice-versa, des mots italiens ont pénétré dans les dialectes. L'italianisation des dialectes, favorisée par la diffusion de l'instruction et la marginalisation des dialectes (parler le dialecte voulait dire qu'on n'avait pas été à l'école), a donné lieu à l'» italien régional », une variété d'italien qui se caractérise surtout par des différences phonétiques (septentrionale, toscane, romaine, méridionale), qui permettent aux Italiens, mais aussi aux étrangers ayant une bonne oreille, de distinguer de quel côté d'Italie proviennent leurs interlocuteurs.
D'un point de vue lexical, des régionalismes sont utilisés uniquement dans leur territoire d'origine (ex. en Sicile, carnezzeria pour macelleria en italien pour ‘boucherie'). D'autres mots diffèrent d'une partie à l'autre de l'Italie : on les appelle les géosynonymes, c'est-à-dire des mots qui sont écrits différemment mais se rapportent au même objet. Par exemple, la pastèque s'appelle anguria dans le Nord, cocomero dans le Centre et melone ou mellone dans le Sud. À ces mots, s'ajoutent aussi d'autres mots qui sont typiques des différentes régions. Par exemples, michetta (‘sandwich') est typique de Milan, balocchi (‘les jouets') est typique de la Toscane.

Selon une étude des années 1950, le mot espresso, le café pris au comptoir, est unique et utilisé par tous les Italiens.

Pour résumer, en Italie on parle :

  • l'italien standard (1)
  • l'italien régional (2)
  • le dialecte régional (le piémontais, le lombard …) (3)
  • le dialecte (des villes, de la campagne, des villages) (4)

Un Milanais pourrait parler l'italien (1), l'italien de Lombardie (2), le dialecte lombard (3), le dialecte de Milan (4).
Les dialectes d'aujourd'hui ne sont plus les dialectes d'origine parce que beaucoup de choses ont changé dans la société italienne. Par exemple, plusieurs noms d'ustensiles, qui maintenant n'existent plus, ont disparu comme les objets qu'ils désignaient.
Mais les dialectes sont encore utilisés dans les chansons, la littérature, le théâtre, les séries télévisées … et aussi par les jeunes, surtout entre eux ou en famille.

4. Les minorités linguistiques

En Italie, il y a des endroits où on parle des langues qui ne sont ni l'italien ni les dialectes. On parle aussi le catalan (en Sardègne), l'occitan (au Piémont), le français (au Val d'Aoste et dans le Piémont), le slovène (dans le Frioul), le croate (en Molise), l'albanais (dans certains endroits des Abruzzes, des Pouilles, de la Basilicate, du Molise, de la Calabre, de la Sicile), l'allemand (en Haut-Adige), le grec (dans les Pouilles, en Calabre).

5. L'italien hors de l'Italie

Les échanges commerciaux au Moyen-Âge ainsi que l'émigration vers d'autres pays et continents à travers les siècles favorisèrent aussi les échanges linguistiques. Dans la Méditerranée, l'italien fut longtemps utilisé comme lingua franca[3] jusqu'à ce que le français et l'anglais prennent sa place.
Quelle langue ou quelles langues exportaient les habitants de la Péninsule ? C'étaient les dialectes et un mélange d'italien et de dialectes.
Beaucoup d'Italiens émigrèrent dans les pays de l'Europe. En France, la politique d'immigration ne favorisa pas la conservation de la langue italienne ; par contre, en Belgique, les Italiens ont continué à parler leurs dialectes, l'italien populaire et l'italien standard, de manière différente selon la classe sociale d'appartenance ainsi que les endroits du pays où ils se sont établis (à la ville ou autour des charbonnages – La Louvière, Liège, Mons). La langue italienne est considérée comme une langue de culture. En Grande Bretagne, on l'étudiait à l'école, mais on la refusait comme langue d'immigration. Maintenant, la situation a changé et la communauté italienne se reconnaît aussi dans sa propre langue maternelle. En Suisse, l'italien est une des trois langues nationales avec l'allemand et le français.
Dans le Nord de l'Afrique, c'est le dialecte sicilien qui s'impose, dans le Corne de l'Afrique le dialecte de la Vénétie. Dans le Sud de l'Afrique, la communauté italienne parle l'« italiese », un mélange d'italien, d'anglais et de pseudo-italien. Aux États-Unis, les dialectes se sont mélangés entre eux d'abord et ensuite avec l'anglais ; au Canada, les premiers immigrés italiens ont pris des mots anglais et les ont fait rentrer dans leurs dialectes, en donnant vie à l'« italiese », qui maintenant n'est presque plus utilisé. La rencontre entre l'italien et l'espagnol en Argentine a donné naissance au cocoliche et au lunfardo ; au Brésil, étant donné que la plupart des émigrés étaient originaires de Vénétie, est né le taliàn, un mélange de portugais, de dialectes de la Vénétie et d'autres dialectes du Nord de l'Italie. Même si les Italiens qui arrivèrent en Australie après la deuxième guerre mondiale avaient une meilleure connaissance de l'italien par rapport à ceux qui avaient émigrés auparavant, l'anglais a pris le pas sur l'italien et les dialectes.

 


[1] Carte : http://www.aledo.it/mediasoft/italy/

[2] R. Goscinny – A. Uderzo, Astérix et la Transitalique. Vanves, Les éditions Albert René, 2017, p. 22

[3] Langue fabriquée pour assurer la communication entre personnes qui n'ont pas la même langue maternelle.

revue roma blanc 120 Cette page a été rédigée pour ROMA·NET par Sabina Gola et Selin Altunsoy.

La structure du lexique italien

L'heritage du latin dans le lexique italien est très varié et correspond à un total de 35 196 mots à partir d'avant le IXe siècle et jusqu'au XXe[1].
Il comprend, d'une part, les mots hérités directement du latin dans le passage du latin à l'italien, les « lessemi patrimoniali », qui viennent du latin parlé et qui rapprochent l'italien des autres langues romanes. Il s'agit surtout de mots qui concernent la vie quotidienne ainsi que la culture materielle : les mots grammaticaux (articles, prépositions, conjonctions, adverbes), les verbes, les noms et les adjectifs plus fréquents, les chiffres, les noms de parentés, des parties du corps et des phénomènes naturels

HOMO > uomo 'homme'
DOMINAM > donna 'femme'
CIVITATEM > città 'ville'

On en dénombre 4 574, indiqués dans le graphique qui suit avec lat. class., lat. tardif.
Il y a, d'autre part, et en très grande majorité, des mots qui proviennent de la culture latine écrite, les « latinismi », par exemple tirés de la traduction d'ouvrages latins où les écrivains pouvaient puiser

  • des mots plus abstraits comme

alleanza 'alliance', amicizia 'amitié', difficoltà 'difficulté'

  • des mots techniques du domaine du droit, de la géométrie, de la médecine, de l'architecture

cessione 'cession', contraente 'contractant'
equilatero 'équilatéral'
arteria 'artère', cervello 'cerveau', costole 'côte', femore 'fémur'
cemento 'ciment'

Ils sont au nombre de 30 622.

Au sein des deux catégories des « lessemi patrimoniali » et des « latinismi », on peut distinguer les apports du :

  • latin classique (latin ancien écrit) : le latin par excellence
  • latin ancien et tardif reconstruit (indiqué avec * parce que nous ne possedons pas de traces écrites)
  • latin tardif et ecclésiastique écrit : filtre phonologique des mots entrés dans l'italien provenant du grec
  • latin écrit médiéval (en rapport avec la tradition vulgaire parlée)
  • latin moderne
  • latin scientifique

On peut remarquer que le latin a toujours été une langue de culture (à partir du Moyen-Âge en passant par la Renaissance (XVe-XVIe siècles) pour arriver au XVIIIe siècle) et aussi la langue de l'Église catholique jusqu'au Concile Vatican II (1962-1965).
Les « latinismi » ont donc beaucoup contribué à l'enrichissement du lexique italien. Ils ont conduit

  • à la création de doublons

parabola(m) > parola ~ parabola

On peut remarquer que le deuxième mot n'a pas subi de changement phonétique comme le premier, étant rentré dans la langue par voie écrite.

  • à l'introduction de suites de consonnes qui n'existaient pas dans le lexique de base

pensare/penser > pesare 'peser'
mensile/mensuel > mese 'mois'

  • à l'augmentation de mots proparoxytons (avec l'accent tonique sur l'antépénultième syllabe) :

spathula(m) > spa-to-la > spalla (spal-la)

Le lexique florentin étant constitué pour la plus part de mots paroxytons (avec l'accent tonique sur l'avant dernière syllabe).
À ces « latinismi » que nous pouvons considérer comme des emprunts adaptés, on peut ajouter des emprunts non adaptés

referendum, herpes, ictus, agenda, grosso modo

et des mots latins qui sont entrés dans l'italien à travers l'anglais comme

auditorium, focus, mass media

Le latin a aussi contribué à enrichir l'italien d'un point de vue sémantique. Les écrivains ont largement utilisé des mots qui, en latin, avaient une autre signification par rapport aux mêmes mots italiens : par exemple :

studioso = 'studieux' voulait dire aussi en latin 'avide'.

1. Emprunts aux langues de substrat

Avant et en même temps que les Romains, il y avait d'autres peuples qui habitaient la Péninsule et parlaient d'autres langues que le latin, notamment les Étrusques, les Celtes et les Osques-Ombriens. De leurs langues, l'italien a hérité de mots comme

persona 'personne', popolo 'peuple', catena 'chaîne' < Étrusques
betulla 'bouleau', becco 'bec', carro 'char' < Celtes
lupo 'loup', scrofa 'truie'/'laie' < Osques-Ombriens

2. Emprunts du grec ancien

La plupart des mots provenant du grec sont entrés en italien à travers le latin.
Il s'agit de :

  • noms de plantes

ciliegio 'cérisier', ulivo 'olivier', mandorlo 'amandier'

  • noms d'animaux marins

acciuga 'anchois', balena 'baleine', tonno 'thon'

  • des parties du corps

gamba 'jambe', spalla 'épaule', braccio 'bras'

  • d'objets quotidiens

ampolla 'burette', anfora 'amphore', lampada 'lampe'

  • des sciences

filosofia 'philosophie'
retorica 'rhétorique'
aritmetica 'arithmétique'
geometria 'géométrie'
geografia 'géographie'

  • du lexique réligieux

battesimo 'baptême', carisma 'charisme', basilica 'basilique', vescovo 'évêque', monaco 'moine'

Au Moyen-Âge, à l'époque de la domination byzantine, entrent dans l'italien des mots comme

anguria 'pastèque', molo 'môle', ormeggiare 'amarrer'

dans la période de l'humanisme (XVe) :

catastrofe 'catastrophe', entusiamo 'enthousiasme', dialetto 'dialecte', periodo 'période'

à partir du milieu du XVIIe siècle : des mots de la médecine, des sciences naturelles et des mathématiques.

3. Les mots d'origine anglaise

Ce n'est qu'à partir du XVIIe siècle que l'anglais suscite de l'intérêt en Italie. Dans la période précédente c'était plutôt les Anglais qui s'intéressaient à la culture italienne. Mais, concrètement, malgré l'intêret porté par quelques intellectuels italiens au XVIIIe siècle envers la culture anglaise, il n'y a pas eu de transfert de mots de l'anglais à l'italien. Au XIXe siècle, ce sont les traductions des romans de l'écossais Walter Scott ou de l'américain James Fenimore Cooper qui amènent à la diffusion de mots anglais, par exemple

gentleman 'monsieur', milady 'madame', whisky, whist, pellerossa 'peau-rouge', sceriffo 'shérif'

C'est après 1950 que trois quarts des emprunts non italianisés entrent dans la langue italienne dans les domaines

  • de la vie quotidienne

shampoo, fast-food, light, manager, check-in, meeting

  • du sport

basketball, football

  • du spectacle

star, audience, pay-tv, share, « piedipiatti »/policier), de la mode (fashion, look, glamour, top model

  • de la publicité

target, spot, testimonial

  • de la musique

blues, rock, rap, soul, disco, dance

  • et des medias.

En italien, il y a aussi des mots qui ressemblent à des mots anglais, mais n'en sont pas, comme, par exemple

pressing (en anglais forcing)
footing (en anglais jogging)
golf (dans le sens de « maglione » 'pull')

Des 8 468 mots anglais entrés dans la langue italienne, plus de la moitié (4782) appartiennent aux domaines techniques et scientifiques.

4. Les mots d'origine provençale et française

À l'époque médiévale les emprunts au français et au provençal furent nombreux, spécialement dans les domaines de la vie quotidienne (IXe-XVe siècles : dominations des Carolingiens, des Normands et des Anjou) du commerce et de la littérature (les chansons de geste ainsi que la lyrique des troubadours). Ils concernent donc :

  • le lexique élémentaire :

mangiare 'manger', burro 'beurre', cugino 'cousin', roccia 'rocher', giallo 'jaune' < ancien français
bugia 'mensonge', coraggio 'courage', pensiero'pensée', speranza 'espoir' < provençal

  • le langage militaire :

cavaliere 'chevalier', scudiere 'écuyer'

  • le langage de la vie de la cour :

levriero 'lévrier' (chasse)
corsetto 'corset', gioiello 'joyau' (habillement)
liuto 'luth', viola 'viole' (musique)
giardino 'jardin', sala 'salle', torneo 'tournoi'

  • le langage de l'amour courtois : « gioia »/joie, « noia »/ennui, « merzé »/merci, « talento »/talent (mots clé du vocabulaire amoureux)

Si aux XVe et XVIe siècles, c'est l'italien qui s'affirme comme langue de culture dans l'Europe de la Renaissance, à partir de la deuxième moitié du XVIe siècle et jusqu'à la fin du XVIIIe, l'influence du français reprend le dessus. Ce sont les mots qui concernent

  • la vie de société

società 'société', spirito 'esprit', brillante 'brillian'

  • la mode

cravatta 'cravate', parrucchiere 'coiffeur'

  • et la gastronomie

bignè 'beignet', liquore 'liqueur', pasticceria 'pâtisserie', ragù »/ragoût)

qui prévalent. S'ajoutent des mots provenant du lexique de la philosophie

pregiudizio 'préjugé, tolleranza 'tolérance', libertinaggio 'libertinage'

Dans la période napoléonienne, ce sont des mots provenant du domaine militaire

caserma'caserne', fucile 'fusil', gendarme 'gendarme', uniforme 'uniforme'

et politique

patriota 'patriote', rivoluzionario 'révolutionnaire'

qui entrent dans la langue italienne. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle et au XXe siècle, nous trouvons

maionese 'mayonnaise', menu', boutique…

5. Les mots d'origine espagnole et portugaise

Jusqu'au XVe siècle l'espagnol joua un rôle important de médiateur pour la diffusionde mots d'origine arabe dans la péninsule. À partir du XVe siècle, des mots comme

infante 'prince royal', posata 'couvert'

et ensuite

appartamento 'appartement', burla 'plaisanterie', regalo 'cadeau', ammutinare 'mutiner', baciamano 'baisemain', complimento 'compliment'

Par le portugais arrivent en italien les mots comme

ananas, banana 'banane', cocco 'noix de coco'

6. Emprunts aux langues germaniques et à l'allemand

À travers le latin, les populations germaniques ont transmis principalement, via les langues germaniques dont l'allemand (langue standard parlée dans la partie méridionale de l'Allemagne) des mots appartenant au lexique quotidien, par exemple

sapone 'savon', vanga 'bêche' 

ou alce 'élan', un animal que les Romains ne connaissaient pas. En suite, les Goths, les Lombards et les Francs occupèrent certaines régions de l'Italie. De ces dominations, la langue italienne hérita des mots comme

fiasco 'flasque'

  • ainsi que des mots du domaine militaire comme

albergo 'logement pour l'armée', elmo 'heaume', guardia 'garde' 

  • ou des mots liés aux chevaux comme

briglia 'bride', staffa 'étrier', stallone 'étalon'

Du lombard, proviennent des mots des parties du corps comme

anca 'hanche', guancia 'joue', schiena 'dos', stinco 'tibia'

ou des mots qui se réfèrent à la maison

balcone 'balcon', scaffale 'étagère', gruccia 'bequille/cintre'

Du francique :

banco 'banc', guanto 'gant', roba 'choses'

Entre le XIIIe et le XVIIe siècle, ce sont surtout des mots du domaine militaire qui entrent en italien

alabarda 'hallebarde

Aux XVIIIe-XIXe siècles, c'est à travers le français qu'arrive le mot calesse 'cabriolet' ainsi que walzer et les noms des liqueurs vermut et kirsh, mais aussi les mots comme morfologia 'morphologie', stilistica 'stilistique'. Au XXe siècle, c'est à nouveau le domaine militaire qui prévaut (lager, kaputt, panzer).

7. Emprunts à l'arabe

L'influence de la langue arabe commence déjà aux VIIe-VIIIe siècles a.C. et continue jusqu'à nos jours. Les principaux mots qui nous viennent de l'arabe sont des noms de fruits comme

albiccocca 'abricot', arancio 'orange', limone 'citron'

  • de légumes comme

carciofo 'artichaut'

  • ou d'épice comme

zafferano 'safran', zucchero 'sucre'

Des mots ayant trait à la mer, comme

ammiraglio 'amiral', darsena 'darse', magazzino 'dépôt'

ou aux sciences

alambicco 'alambic', alchimia 'alchimie', algebra 'algèbre', algoritmo 'algorithme', zenit 'zénith', nadir

Au XXe siècle, environ deux cents mots d'origine arabe sont entrés en italien, comme, par exemple,

kebab, hummus, halal, intifada

8. Les mots provenant de l'hébreu

Ces mots entrent par le biais de la Vulgate de la Bible. Il s'agit de mots comme

manna 'manne', serafino 'séraphin', cherubino 'chérubin', amen, alleluia, sabato 'samedi', osanna

9. Les mots provenant du chinois, du japonais et du russe

C'est par le Milione de Marco Polo (XVIe siècle) qu'arrivent des mots comme Catai (dans le sens de 'chinois'), et le toponyme Cin ; et, par le biais des missionnaires franciscains et jésuites (XVIe, XVIIe), les adjectifs tartaro 'tartare' et mongolo 'mongol' ; 'thé' et ginseng. Il faudra attendre la deuxième moitié du XXe siècle, au moment de la révolution culturelle de Mao Tse-Tung, pour trouver d'autres mots, comme, par exemple, dazebao, les pancartes utilisées par les jeunes pour les slogans.
À partir de la moitié du XVIe siècle, dans les relations des voyageurs italiens qui s'étaient rendus au Japon, on trouve des mots comme geisha, bonzo, chimono, tatami, sakè ainsi que le nom du fruit cachi que les italiens ont interprété comme un pluriel et donc ils ont crée un singulier caco. Au XIXe siècle, grâce à l'ouverture vers l'occident, par le biais d'articles de journaux, dictionnaires et relations de voyage, se diffusent les mots banzai et harakiri. Au XXe siècle, les manga, les noms des arts martiaux (judo, karate, aikido), le karaoke, le sudoku ; des mots de la gastronomie sushi, sashimi, wasabi ; ou encore, zen, origami, bonsai et plus recemment tsunami.
À part les quelques mots russes qui entrèrent en italien dès le XVIe siècle (russo, zar, copeco, rublo, pope, dacia, troika, tundra, taiga), il faudra attendre la deuxième moitié du XXe siècle pour trouver des mots comme gulag, massimalismo 'maximalisme', attivismo 'activisme', quadro (dirigent politique) 'cadre'.

10. Emprunts adaptés : les régionalismes et les dialectismes

Au cours des deux derniers siècles, la langue italienne s'est enrichie de régionalismes et de dialectismes (7 700, plus du vocabulaire de base qui se compose de 6 700 lexèmes !). Ce sont des mots utilisés surtout dans la région d'origine (les régionalismes) même si tous les Italiens en comprennent la signification ; ou des mots qui, malgré leur origine locale, ont dépassé les frontières de l'endroit où ils sont nés et sont compris et utilisés de tous les locuteurs italiens (les dialectismes). Il est difficle d'en faire une distinction exacte.

Ils sont liés surtout :

  • à la vie quotidienne

carnezzeria en sicilien ~ macelleria 'boucherie' en italien

  • à l'alimentation

sicilien cannolo
napolitain mozzarella
piémontais grissino
milanais panettone

  • aux métiers traditionnels

piémontais mondina 'la femme qui cueille et nettoie le riz'

  • aux noms des ustensiles de cuisine

dialecte de Rome sgommarello = mestolo 'la louche'

  • aux noms d'habitations

maso dans le Trentin
trullo dans les Pouilles

  • aux éléments du paysage naturel et du territoire

frioulan foiba = fossa 'trou'

  • à la criminalité et à la société

sicilien mafia
lombard teppista
napolitain guappo 'personne violente et sans scrupules'

Ce phénomène s'est vérifié après le processus d'unification du Pays (1861), qui a amené la culture écrite italienne (qui correspondait au florentin du XIVe siècle), même si ce fut très lentement, à se rapprocher de la culture orale dialectale. La plupart des mots proviennent du dialecte de Rome, suivis par les mots d'origines milanaise, napolitaine et sicilienne. On considère ces mots comme des emprunts adaptés, vu qu'ils sont entrés dans les systèmes phonetique et morphologique de l'italien

tortellino = émilien turtlein

Parmi ces mots, se trouvent les géosynonymes, des mots différents qui ont la même signification et qu'on utilise à l'échelle régionale. Par exemple, le pastèque peut s'appeler anguria, cocomero, mellone, citrone.

 

 


[1] Tullio DE MAURO, Storia linguistica dell'Italia repubblicana dal 1946 ai nostri giorni, Editori Laterza, Roma-Bari, 2014, p. 218-219.

revue roma blanc 120 Cette page a été rédigée pour ROMA·NET par Sabina Gola.
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