La lexicologie vue par Martin Glessgen

 Compte-rendu de lecture « Lexicologie », in Martin GLESSGEN, 2012, Linguistique romane : domaine et méthodes en linguistique française et romane, Paris, Armand Colin, p. 267-326.

La lexicologie est un chapitre du livre Linguistique romane domaine et méthodes en linguistique française et romane signé par Martin-Dietrich Glessgen et publié en 2007 chez Armand Colin et en 2012 dans une édition que nous avons consultée. L’intérêt de ce chapitre est donné par l’importance accordée à la lexicologie au sein des études romanistiques qui privilégient traditionnellement la phonétique et, d’autant plus, la morphologie. 

Le chapitre traite de la lexicologie et comporte plusieurs parties. 

La lexicologie

La lexicologie est une discipline de la linguistique qui étudie l’ensemble des lexèmes d’une langue où elle délimite et inventorie ses structures par des caractéristiques sémantiques et formelles. Le lexème ou mot est un concept concret ou abstrait qui a une forme donnée et un sens lexical défini, il a toujours un radical auquel peuvent s’ajouter des préfixes ou des suffixes, son sens lexical est le savoir partagé par toute une communauté. Il comporte d’autres caractéristiques comme les traits morphosyntaxique inhérents, la structure morphologique, les contextes syntagmatiques, les marques diasystématiques et les relations sémantiques. Son utilisation dépend avant tout du contexte dans lequel il est rapporté, il est alors parfois marqué d’une connotation. 

Un phénomène intéressant apparaît lorsqu’un lexème est utilisé hors de son contexte initial, un régionalisme se développe. Il y a trois types de connotation, tout d’abord les connotations régionales, ensuite les diastratiques et enfin les chronologiques. Il y a deux types de nom, d’un côté les noms communs ou substantifs ayant la spécificité d’opérer une généralisation. De l’autre côté, les noms propres créent une individualisation des noms, dans cette catégorie on retrouve les noms de personnes, lieux, montagnes et de personnages mythologiques. Il faut noter que lorsqu’un nom propre rentre dans l’usage, il perd de son sens initial. Par conséquent, il est très difficile de déterminer le nombre de mots exacts dans une langue. La langue littéraire, cependant est plus stricte lexicalement, par exemple : les auteurs classiques français n’utilisaient que 4000 mots afin de donner un style à la langue. 

Théories sémantique et sémiotique

La sémantique lexicale traite du sens des mots, dans cette catégorie deux différences s’opèrent entre le sens lexical et le concept. Dans la théorie saussurienne, il existe un signifiant et un signifié qui forment un tout lors du discours. Dans son pentagone sémiotique élargi, Glessgen démontre que son modèle prend racines dans la perception cérébrale des formes lexicales et des concepts, ces deux ensembles faisant partie de ce qu’il appelle la mémoire sémantique. Cette théorie permet de démontrer comment une personne plurilingue peut gérer un ensemble de concept dans plusieurs formes lexicales différentes. Un signe vient toujours d’un référent concret ou abstrait que l’homme cherche à conceptualiser, il suppose que celui-ci s’y intéresse particulièrement pour qu’il existe. Pour pouvoir verbaliser un concept, il faut utiliser un inventaire de formes lexicales connues pour ce référent, sa verbalisation précise son utilisation. Le signifié d’un concept s’inscrit alors dans le savoir partagé de la communauté, lors de la communication un récepteur perçoit une forme phonétique et la rattache à un signifié. 

Le changement et les relations sémantiques dans les langues romanes

Le changement lexical est la partie la plus dynamique dans un langage car le lexique subit de nombreuses modifications, il y a donc beaucoup de sens et de formes. 

Le changement sémantique intervient en parallèle de la création des mots. Ce changement permet de mieux comprendre les différents signifiés. Il fait soit appel à la contiguïté (ellipse) soit à la similarité entre le lexème de base et le nouveau. Il y a trois changements conceptuels : tout d’abord, la taxinomie qui repose sur l’identité partielle, il se place dans une classe sémantique et s’inscrit dans les catégories d’hyponymes et d’hyperonymes. 

Il y a trois changements qui peuvent s’effectuer : premièrement la généralisation qui réduit le nombre de sens conceptuel mais augmente le nombre de référents, deuxièmement la spécialisation, l’inverse de la généralisation et troisièmement la cohyponymie qui crée un lien entre deux concepts. La métonymie représente le changement de sens qui repose sur la contiguïté qui se crée entre deux concepts qui peuvent être liés soit par la coprésence soit par la succession. La coprésence réunit des couples de concepts qui sont présents dans le même scénario. La succession lie des couples de concepts qui sont déterminés par le temps, l’espace ou les relations logiques. Et dernièrement, la métaphore crée un lien entre deux concepts qui ne sont pas liés au niveau cérébral. Un changement sémantique peut également survenir lors d’une proximité entre deux concepts (paronomase) et par l’étymologie populaire. C’est une mauvaise interprétation étymologique de deux concepts où le locuteur déduit qu’ils ont la même racine.

Phraséologie et contexte syntagmatique

Les phraséologismes sont un ensemble de plusieurs mots qui forme un sens spécifique. Ce sont des liens entre les mots qui peuvent être plus ou moins rattachés et former un continuum.  Il y a trois niveaux à ce continuum : la valence qui représente les plans de construction, les collocations correspondant aux liaisons entre mots et les phraséologismes qui induisent des liaisons spécifiques entre différents lexèmes. Les phraséologismes ont une caractéristique complémentaire, ils sont non-transparents.

L’emprunt lexical dans la Romania

L’emprunt des mots dans une autre langue constitue une autre transformation dans la lexicologie, ils sont motivés par des modèles culturels extralinguistiques. Il y a plusieurs types d’emprunts : premièrement les emprunts formels qui sont intégrés dans une langue tel quel ou ont subis quelques modifications pour mieux s’adapter dans la langue-cible. Les différents types de modifications sont : des adaptations phonétiques, graphiques, morphologiques flexionnelles et dérivationnelles, les dérivés et compositions, les changements sémantiques : les polysémies et les formations phraséologismes. Ensuite, les emprunts sémantiques donnant un nouveau sens dans une langue-cible, il existe deux types de calques sémantiques : l’emprunt de sens et celui de structure où on copie un lexème. Les emprunts créant une redondance sont appelés « emprunts de luxe » et ceux remplissant une lacune sémantique dans la langue-cible appelés « de nécessité ». 

Onomastique et déonomastique 

L’onomastique étudie les noms propres en général, les noms de personnes relèvent de l’anthroponymie et les noms de lieux de la toponymie. Les noms propres ont une dimension sémantique plus réduite que celle des noms communs car ils permettent à l’identification d’une personne ou d’un lieu en particulier.  Ils ne sont pas traduisibles car ils perdent leur sens mais peuvent toutefois être empruntés dans une autre langue. Ils peuvent également être utilisés comme noms communs, ce transfert s’appelle la déonymisation, adjectifs ou encore être intégré dans un prhraséologisme. Entre le XIIIe et le XVe siècles, des transformations socioculturelles ont eu lieues et le système à deux noms a remplacé celui du nom unique. 

Lexicologie historique et étymologie en romanistique

La lexicologie historique se fonde sur l’étymologie, elle étudie la modification du vocabulaire et les innovations du lexique mais elle peut s’intéresser aux concepts à travers les différentes époques. L’étymologie est la base de la lexicologie historique car elle apporte la sécurité du bon jugement.

Instruments de travail : la lexicographie historique et étymologique

La lexicographie désigne la création des dictionnaires, joue un rôle important dans la recherche sur les lexèmes mais également dans la standardisation d’une langue. Elle donne une idée du patrimoine textuel disponible dans chaque pays où sont pratiquées les langues romanes. 

Par les distinctions conceptuelles proposées aussi bien que par les typologies et la classifications opérées, le chapitre reste un guide utile pour tout lexicologue. 

Références bibliographiques

GLESSGEN Martin, 2012, « Lexicologie », Linguistique romane domaine et méthodes en linguistique française et romane, Paris, Armand Colin, p. 267-326.

revue roma blanc 120 Cette notice a été rédigée pour la revue ROMA 2/2022 par Cristina-Maria Bercea.
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