La variation géographique du latin

Nous avons très peu d’attestations de variations régionales dans la langue latine. En effet, la langue littéraire de référence était la langue de Rome. D’autre part, lorsque les personnes utilisent des expressions régionales, elles ne vont pas nous le préciser dans le fil de notre discours. Cependant, les grammairiens évoquent quelquefois le sujet et nous permettent de mettre en évidence des différences régionales ponctuelles. Notre principale source est Quintilien :

 […] sicut Catullus ‘ploxenum’ circa Padum inuenit, et in oratione Labieni (siue illa Corneli Galli est) in Pollionem ‘casamo’ adsectator e Gallia ductum est: nam ‘mastrucam’, quod est Sardum, inridens Cicero ex industria dixit. (1, 5, 8)
Trad. (M. Nisard) Ainsi, dans Catulle, on trouve le mot ploxenum [coffre], qui n’est usité que dans les environs du Pô; et dans le discours de Labiénus, ou, si l’on veut, de Cornelius Gallus, contre Pollion, un séducteur amoureux est appelé casamo [bellâtre ?], terme emprunté aux Gaulois. Quant au mot mastruca [vêtement], qui est sarde, Cicéron s’en est servi à dessein et par raillerie.

La deuxième source de diversité en latin est la langue vulgaire, la langue utilisée au quotidien qui utilise des mots différents du latin classique littéraire : elle est beaucoup plus imagée. Nous pouvons en citer quelques exemples :

    • caballus, i (vulg.) pour equus, i: le cheval
    • casa, ae (vulg.) pour domus, us: la maison
    • gamba, ae (vulg.) pour crus, cruris: la jambe
revue roma blanc 120 Cette page a été rédigée pour ROMA·NET par Guillaume Quintin et Timothée Coussement.

La structure du lexique latin

1. Les registres de langue

Le latin, langue morte, est connu principalement à travers les textes littéraires. Cependant, comme toutes les langues, il avait plusieurs registres de langage. Nous en connaissons deux : le latin littéraire, principalement attesté dans les textes, est le latin utilisé dans la plupart des textes car ils visent un certain raffinement. L’autre registre est le latin vulgaire, la langue parlée quotidiennement par le peuple. C’est le latin vulgaire qui, à force d’être parlé, a évolué et produit les langues romanes.

Ce clivage entre la langue littéraire et la langue vulgaire a produit un certain nombre de doublets au niveau du vocabulaire. En fonction du caractère littéraire des textes, certains mots pouvaient être préférés à d’autre. Le théâtre latin, plus proche de la langue parlée, recèle un certain nombre d’expressions vulgaires qui ne sont pas utilisés ailleurs. Un certain nombre de doublets sont bien connus :

caballus, i (vulg.) ~ equus, i : le cheval
casa, ae (vulg.) ~ domus, us : la maison
gamba, ae (vulg.) ~ crus, cruris : la jambe

Par ailleurs, le latin vulgaire utilisait aussi des dérivés de mots (en général des diminutifs) de préférence aux formes utilisées en latin littéraire :

auricula, ae pour auris, is : l’oreille
genuculum, i pour genu, us : le genou

2. Emprunts

Le latin a emprunté un certain nombre de mots de vocabulaire aux langues qui l’entouraient.

Les premiers emprunts vinrent des langues italiques et étrusques. La plupart de ces mots ont été intégrés anciennement en latin et font partie du vocabulaire classique :

haruspex, icis : l’haruspice (nom composé à partir d’un mot étrusque : haru- : le foie)
dirus, a, um : de mauvais augure, sinistre (mot sabin)
atillus, i : esturgeon (mot italique)

Les emprunts au grec furent les plus féconds. Au IIIe siècle a.C., s’est produit un mouvement d’hellénisme à Rome qui a favorisé les emprunts grecs mais le phénomène est plus ancien. Avec l’apport de la culture grecque, de nombreux mots ont été introduits. Les catégories sémantiques sont très diverses :

ἡ ναύτη, ης > nauta, ae : le marin
τὸ διάδημα, ατος > diadema, ae : le diadème
τὸ δόγμα, ατος > dogma, ae : le dogme
ἡ ἔκλειψις, εως > eclipsis, is : l’éclipse

Enfin, les conquêtes ont permis l’emprunt de mots étrangers celtiques, germaniques ou orientaux. Ces emprunts linguistiques ont très souvent accompagné des emprunts d’objets ou de réalités inexistantes en latin :

bridum, i : plat à rôtir (emprunt germanique)
braca, ae : les braies (emprunt gaulois)
gladius, i : le glaive (emprunt celtique)
carrus, i : le chariot (emprunt gaulois)
bratus, i : cyprès d’Asie (emprunt sémitique)

revue roma blanc 120 Cette page a été rédigée pour ROMA·NET par Timothée Coussement.
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