La variation géographique de l'italien

1. L'Italie et ses langues

L'Italie se compose de 20 régions : La Valle d'Aosta (le Val d'Aoste), il Piemonte (le Piémont), la Lombardia (la Lombardie), il Veneto (la Vénétie), il Trentino-Alto Adige (le Trentin-Haut- Adige), il Friuli-Venezia Giulia (le Frioul), l'Emilia-Romagna (l'Emilie-Romagne), la Liguria (la Ligurie), la Toscana (la Toscane), il Lazio (le Latium), le Marche (les Marches), l'Abruzzo (les Abruzes), l'Umbria (l'Ombrie), il Molise (le Molise), la Basilicata (la Basilicate), la Campania (la Campanie), la Puglia (les Pouilles), la Calabria (la Calabre), la Sicilia (la Sicile), la Sardegna (la Sardègne). [1]
En Italie, la langue nationale est l'italien. Les Italiens apprennent à l'école l'italien standard (l'italien qui est décrit par les grammaires), une langue qu'ils parlent et qu'ils écrivent. Aujourd'hui, nous pouvons affirmer que 98% de la population parlent l'italien. Mais alors, quelle langue parlait-on en Italie auparavant ? Ou mieux, quelles langues ? En effet, pendant longtemps, les Italiens parlaient des langues qui étaient l'héritage du mélange du latin vulgaire des Romains et des langues des peuples qui occupaient les territoires que les Romains avaient conquis.

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2. Les dialectes

Ces langues, on les appelle les « dialectes », du grec diàlektos (conversation) à travers le latin dialectus. En Grèce, ce mot désignait les différents parlers qui étaient spécialisés chacun dans un genre littéraire différent. Au XVIe siècle, ce mot commença à circuler en Italie pour définir la situation italienne qui était semblable à celle de la Grèce, c'est-à-dire un pays morcelé d'un point de vue politique et linguistique. Ce n'est qu'au XVIIIe siècle qu'on utilise le mot avec la même signification qu'aujourd'hui, celle de langue parlée dans une zone limitée. Les dialectes, nés du latin, ont donc la même origine que l'italien, qu'on pourrait définir le dialecte de la Toscane, qui a eu plus de chance que les autres parce qu'il a été utilisé comme langue littéraire par des écrivains du XIVe siècle et a servi d'exemple pour les autres écrivains provenant d'autres endroits d'Italie. Pendant des siècles, pour la plupart des habitants de la Péninsule, le dialecte a été la langue maternelle et l'italien, la langue qu'ils apprenaient à l'école et qu'ils utilisaient dans des situations formelles, par exemple dans les bureaux. Ceux qui n'avaient pas la chance d'aller à l'école parlaient l' « italien populaire », une langue qui était un mélange de dialecte, de mots dialectaux italianisés et d'italien standard. On peut dire que les Italiens ont toujours été bilingues et une partie d'eux l'est encore.
Même si on peut regrouper les dialectes par zones – dialectes du nord, du centre, du sud et de l'extrême sud de la Péninsule – il arrive que, d'une ville à l'autre de la même région, ou encore entre un côté et l'autre côté du même village, certains mots soient différents.
Les dialectes sont très différents entre eux. Par exemple, pour un Milanais, il est très difficile de comprendre le dialecte de Naples et vice-versa. Aujourd'hui, les dialectes sont encore utilisés mais presque uniquement en famille ou avec les amis, et cela dépend des endroits. Par exemple à Venise et dans la Vénétie, le dialecte est beaucoup plus pratiqué qu'à Bologne, en Émilie-Romagne.
Des mots provenant des dialectes se sont répandus dans la langue italienne, comme mozzarella (de Naples), cannolo (de la Sicile), panettone (de Milan).

3. L'italien régional

Les dialectes et l'italien ont toujours vécu côte à côte et ils se sont influencés les uns les autres. Des mots du dialecte sont entrés dans la langue italienne et, vice-versa, des mots italiens ont pénétré dans les dialectes. L'italianisation des dialectes, favorisée par la diffusion de l'instruction et la marginalisation des dialectes (parler le dialecte voulait dire qu'on n'avait pas été à l'école), a donné lieu à l'» italien régional », une variété d'italien qui se caractérise surtout par des différences phonétiques (septentrionale, toscane, romaine, méridionale), qui permettent aux Italiens, mais aussi aux étrangers ayant une bonne oreille, de distinguer de quel côté d'Italie proviennent leurs interlocuteurs.
D'un point de vue lexical, des régionalismes sont utilisés uniquement dans leur territoire d'origine (ex. en Sicile, carnezzeria pour macelleria en italien pour ‘boucherie'). D'autres mots diffèrent d'une partie à l'autre de l'Italie : on les appelle les géosynonymes, c'est-à-dire des mots qui sont écrits différemment mais se rapportent au même objet. Par exemple, la pastèque s'appelle anguria dans le Nord, cocomero dans le Centre et melone ou mellone dans le Sud. À ces mots, s'ajoutent aussi d'autres mots qui sont typiques des différentes régions. Par exemples, michetta (‘sandwich') est typique de Milan, balocchi (‘les jouets') est typique de la Toscane.

Selon une étude des années 1950, le mot espresso, le café pris au comptoir, est unique et utilisé par tous les Italiens.

Pour résumer, en Italie on parle :

  • l'italien standard (1)
  • l'italien régional (2)
  • le dialecte régional (le piémontais, le lombard …) (3)
  • le dialecte (des villes, de la campagne, des villages) (4)

Un Milanais pourrait parler l'italien (1), l'italien de Lombardie (2), le dialecte lombard (3), le dialecte de Milan (4).
Les dialectes d'aujourd'hui ne sont plus les dialectes d'origine parce que beaucoup de choses ont changé dans la société italienne. Par exemple, plusieurs noms d'ustensiles, qui maintenant n'existent plus, ont disparu comme les objets qu'ils désignaient.
Mais les dialectes sont encore utilisés dans les chansons, la littérature, le théâtre, les séries télévisées … et aussi par les jeunes, surtout entre eux ou en famille.

4. Les minorités linguistiques

En Italie, il y a des endroits où on parle des langues qui ne sont ni l'italien ni les dialectes. On parle aussi le catalan (en Sardègne), l'occitan (au Piémont), le français (au Val d'Aoste et dans le Piémont), le slovène (dans le Frioul), le croate (en Molise), l'albanais (dans certains endroits des Abruzzes, des Pouilles, de la Basilicate, du Molise, de la Calabre, de la Sicile), l'allemand (en Haut-Adige), le grec (dans les Pouilles, en Calabre).

5. L'italien hors de l'Italie

Les échanges commerciaux au Moyen-Âge ainsi que l'émigration vers d'autres pays et continents à travers les siècles favorisèrent aussi les échanges linguistiques. Dans la Méditerranée, l'italien fut longtemps utilisé comme lingua franca[3] jusqu'à ce que le français et l'anglais prennent sa place.
Quelle langue ou quelles langues exportaient les habitants de la Péninsule ? C'étaient les dialectes et un mélange d'italien et de dialectes.
Beaucoup d'Italiens émigrèrent dans les pays de l'Europe. En France, la politique d'immigration ne favorisa pas la conservation de la langue italienne ; par contre, en Belgique, les Italiens ont continué à parler leurs dialectes, l'italien populaire et l'italien standard, de manière différente selon la classe sociale d'appartenance ainsi que les endroits du pays où ils se sont établis (à la ville ou autour des charbonnages – La Louvière, Liège, Mons). La langue italienne est considérée comme une langue de culture. En Grande Bretagne, on l'étudiait à l'école, mais on la refusait comme langue d'immigration. Maintenant, la situation a changé et la communauté italienne se reconnaît aussi dans sa propre langue maternelle. En Suisse, l'italien est une des trois langues nationales avec l'allemand et le français.
Dans le Nord de l'Afrique, c'est le dialecte sicilien qui s'impose, dans le Corne de l'Afrique le dialecte de la Vénétie. Dans le Sud de l'Afrique, la communauté italienne parle l'« italiese », un mélange d'italien, d'anglais et de pseudo-italien. Aux États-Unis, les dialectes se sont mélangés entre eux d'abord et ensuite avec l'anglais ; au Canada, les premiers immigrés italiens ont pris des mots anglais et les ont fait rentrer dans leurs dialectes, en donnant vie à l'« italiese », qui maintenant n'est presque plus utilisé. La rencontre entre l'italien et l'espagnol en Argentine a donné naissance au cocoliche et au lunfardo ; au Brésil, étant donné que la plupart des émigrés étaient originaires de Vénétie, est né le taliàn, un mélange de portugais, de dialectes de la Vénétie et d'autres dialectes du Nord de l'Italie. Même si les Italiens qui arrivèrent en Australie après la deuxième guerre mondiale avaient une meilleure connaissance de l'italien par rapport à ceux qui avaient émigrés auparavant, l'anglais a pris le pas sur l'italien et les dialectes.

 


[1] Carte : http://www.aledo.it/mediasoft/italy/

[2] R. Goscinny – A. Uderzo, Astérix et la Transitalique. Vanves, Les éditions Albert René, 2017, p. 22

[3] Langue fabriquée pour assurer la communication entre personnes qui n'ont pas la même langue maternelle.

revue roma blanc 120 Cette page a été rédigée pour ROMA·NET par Sabina Gola et Selin Altunsoy.
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