L'utopie dans la littérature espagnole

La Vida es sueño (Pedro Calderón de la Barca)

Pedro Calderón de la Barca, dramaturge espagnol (1600-1681), est un grand représentant du nommé Siècle d’or espagnol. Écrivain très prolifique son œuvre la plus célèbre est sans doute La vida es sueño‘La vie est un songe’ (1635). Un chef-d’œuvre du baroque, expression la plus achevée du questionnement philosophique de l’époque : Quelles sont les frontières entre l’état du songe et celui de veille ? entre la fiction et la réalité ? entre le rêve et le monde réel ? Le vie ne serait-elle qu’un rêve? 

Nous reprenons ici le monologue de Sigismond, prisonnier enchainé dans une forteresse, sans savoir pourquoi et sans connaitre d’autre réalité que celle de l’enfermement. 

Es verdad. Pues reprimamos
esta fiera condición,
esta furia, esta ambición,
por si alguna ve soñamos:
Y sí haremos, pues estamos
en mundo tan singular,
que el vivir sólo es soñar;
y la experiencia me enseña
que el hombre que vive, sueña
lo que es, hasta dispertar.
Sueña el Rey que es rey
Sueña el rey que es rey, y vive
con este engaño mandando,
disponiendo y gobernando;
y este aplauso, que recibe
prestado, en el viento escribe,
y en cenizas le convierte
la muerte, ¡desdicha fuerte!
¿Qué hay quien intente reinar,
viendo que ha de despertar
en el sueño de la muerte?
Sueña el rico en su riqueza,
que más cuidados le ofrece;
sueña el pobre que padece
su miseria y su pobreza;
sueña el que á medrar empieza,
sueña el que afana y pretende,
sueña el que agravia y ofende,
y en el mundo, en conclusión,
todos sueñan lo que son,
aunque ninguno lo entiende.
Yo sueño que estoy aquí
destas prisiones cargado,
y soñé que en otro estado
más lisonjero me ví.
¿Qué es la vida? Un frenesí.
¿Qué es la vida? Una ilusión,
una sombra, una ficción,
y el mayor bien es pequeño:
que toda la vida es sueño,
y los sueños, sueños son.      

Cela est vrai. Réprimons donc cette humeur farouche, cette fureur, cet esprit de domination, si jamais le rêve recommence ; et nous ferons ainsi, puisque nous sommes dans un monde si étrange que vivre n’est que rêver, et que l’expérience m’enseigne que l’homme qui vit rêve ce qu’il est, jusqu’au moment où il s’éveille. Le roi rêve qu’il est roi, et vivant dans son illusion, il commande, il dispose, il gouverne. Et ces ovations qu’il reçoit et qui ne lui sont que prêtées, s’inscrivent dans le vent et en cendres la mort les change, cruelle infortune ! Et que l’on veuille encore régner, quand il faut finir par s’éveiller dans le sommeil de la mort ! Le riche rêve de sa richesse qui lui donne tant de soucis ; le pauvre rêve qu’il subit sa misère et sa pauvreté. Il rêve, celui qui commence à s’élever ; il rêve, celui qui s’agite et sollicite ; il rêve, celui qui offense et outrage. Dans ce monde, en conclusion, chacun rêve ce qu’il est, sans que personne s’en rende compte. Moi, je rêve que je suis ainsi, chargé de ces fers, et j’ai rêvé que je me voyais dans une autre condition plus flatteuse. Qu’est-ce que la vie ? - Une fureur. Qu’est-ce que la vie ? - Une illusion, une ombre, une fiction, et le plus grand bien est peu de chose, car toute la vie est un songe, et les songes mêmes ne sont que songes. 

revue roma blanc 120 Cette page a été rédigée pour ROMA·NET par Alba Ballesta Martinez.
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